[english] [Spanish] [German] [Portuguese] [Italian]
    [Google]



Comité Académique des Relations Internationales Scientifiques et Techniques ( CARIST )
"Nouvelles technologies de l'information
et diffusion internationale du savoir scientifique"

14 Novembre 2006, Paris, France



Accès à l'information scientifique, fracture numérique et le SMSI
Francis Muguet
  • Introduction

    Monsieur le Président, Monsieur le Secrétaire perpétuel,
    Messieurs les Académiciens,
    Mesdames, Messieurs les distingués représentants des missions diplomatiques, et organisations internationales
    Mesdames, Messieurs,
    Dans ce lieu illustre et historique, je suis très heureux de pouvoir témoigner de la dynamique du suivi et de la mise en oeuvre du Sommet Mondial sur la Société de l'Information concernant les sciences. Je remercie sincèrement les membres du Comité Académique des Relations Internationales Scientifiques et Techniques, en particulier le Délégué aux relations internationales, pour leur aimable invitation.
    Tant à Genève en 2003 qu'à Tunis en 2005, le Sommet Mondial sur la Société de l'Information (SMSI) a constitué, en termes de participants, le plus grand des sommets jamais organisés par les Nations Unies. Il a mis en branle un processus de mise en oeuvre à l'échelle planétaire, lent certes, mais incontournable. Bien que souvent négligé par la presse occidentale, le SMSI a eu une immense résonance dans les pays en transition et en voie de développement.
    Nous allons d'abord décrire brièvement le processus du Sommet Mondial sur la Société de l'Information (le SMSI) en insistant, ce qui pourrait paraître paradoxal, tout à la fois sur son aspect diplomatique et intergouvernemental, et sur son aspect multi-acteur ( multi-stakeholder en anglais, qui est traduit d'une manière plus fidèle par multi-partieprenantes ). En effet, c'est vraiment la première fois où la société civile s'est constituée, à l'invitation des états, en groupes de travail sur des contenus thématiques. Ainsi a été formé le groupe de travail sur l'information scientifique (WSIS-SI) que j'ai fondé et que je coordonne. En ce qui concerne, les aspects procéduraux très importants dans le contexte des Nations Unies, un Bureau de la Société Civile a été crée et reconnu comme interlocuteur officiel du Bureau Intergouvernental. Ce Bureau comprends la famille Education & Académie & Recherche, que Madame le Professeur Divina Frau-Meigs, et moi même représentons. Nous évoquerons ces question en décrivant brièvement la participation multi-parties prenantes au SMSI et les règles écrites et non écrites. On peut mentionner au passage qu'un Bureau Français de la Société Civile est en cours de constitution, qui en tant qu'antenne du Bureau international, pourra interfacer, dans un cadre juridique dérivant du droit international public, avec le gouvernement Français, les diverses institutions, les organisations internationales et les missions diplomatiques sises en France.
    Ensuite, nous aborderons la question de la nature juridique des recommandations du SMSI. Si les recommandations de l'ONU n'ont pas de valeurs contraignantes, sont-elles dénuées d'effets juridiques ? Nous verrons, en autres, qu'elles ont une valeur permissive.
    Enfin, nous examinerons brièvement les textes du SMSI relatifs à la Science, dont les articles relatifs au libre accès à l'information scientifique, constituent une contribution provenant pratiquement exclusivement du groupe WSIS-SI, relayée par des délégations gouvernementales dont nous restons profondément débiteurs.
    Nous n'oublierons pas les suggestions plus détaillées recueillies lors de la conférence de l'UNESCO à Saint Petersbourg ( 17-19 Mai 2005 ).
    Nous aborderons ensuite les récentes réunions de l'UNESCO, pour la mise en oeuvre des lignes d'action du SMSI, la première concernant la ligne d'action C3 « Accès à la Connaissance » organisée à Paris le 16 Octobre, et surtout la réunion organisée à Pékin le 22 Octobre, concernant la ligne d'action C7 « Cybersciences ».
    Nous évoquerons la très récente première réunion du Forum sur la Gouvernance de l'Internet tenue à Athènes du 30 Octobre au 2 Novembre, notamment en relation avec l'accès à la connaissance et la diversité linguistique.
    Enfin, après quelques remarques spécifiques, nous proposerons à l'aimable attention de l'Académie des Sciences une série de suggestions et propositions exploratoires.

  • Rappel des Procédures Multipartenariales du SMSI : La participation multi-parties prenantes au SMSI et les règles écrites et non écrites , le Bureau de la Société Civile.
  • Valeur Juridique des Recommendations du SMSI
  • Textes du SMSI relatifs à la Science :
    WSIS texts related to Science   PDF file   Open Office file   Microsoft Word file

    La traduction officielle française ( à l'inverse de celle en espagnol qui est beaucoup plus fidèle ) prend certaines libertés littéraires vis à vis du texte négocié en Anglais, c'est pourquoi nous faisons figurer ci-dessous les principaux articles du Plan d'Action, en Anglais et en Français, avec, lorsque c'est approprié, une traduction corrigée.
    C3. Access to information and knowledge - C3 L'accès à l'information et au savoir
    Encourage initiatives to facilitate access, including free and affordable access to open access journals and books, and open archives for scientific information
    Traduction officielle :
    Les initiatives destinées à faciliter l'accès, notamment l'accès gratuit ou à des conditions abordables, aux revues et ouvrages en libre accès, ainsi qu'à des archives d'information scientifiques ouvertes devraient être encouragées.
    Traduction corrigée. (WSIS-SI) :
    Doivent être encouragées, les initiatives destinées à faciliter l'accès, notamment l'accès gratuit ( NdT au contenu ) et à des conditions abordables ( NdT concernant les moyens physiques, cad réseau internet ), aux revues et ouvrages en libre accès, ainsi qu'aux archives ouvertes, pour l'information scientifique.

    22. E-science - 22 Cyberscience
    a) Promote affordable and reliable high-speed Internet connection for all universities and research institutions to support their critical role in information and knowledge production, education and training, and to support the establishment of partnerships, cooperation and networking between these institutions.
    a) Promouvoir des connexions à l'Internet à haut débit, fiables et bon marché, pour l'ensemble des universités et établissements de recherche, afin de les aider, dans le rôle essentiel qui leur revient en matière de production d'informations et de savoir, d'enseignement et de formation, et afin de faciliter la création de partenariats, la coopération et les échanges entre ces institutions.
    b) Promote electronic publishing, differential pricing and open access initiatives to make scientific information affordable and accessible in all countries on an equitable basis.
    b) Promouvoir des programmes de publication électronique, de différenciation des prix et d'accès ouvert, afin de rendre les informations scientifiques abordables et accessibles dans tous les pays, dans des conditions équitables.
    Traduction corrigée. (WSIS-SI) :
    b) Promouvoir la publication électronique, la différenciation des prix, et les initiatives de libre accès, afin de rendre les informations scientifiques abordables et accessibles dans tous les pays sur une base équitable.
    c) Promote the use of peer-to-peer technology to share scientific knowledge and pre-prints and reprints written by scientific authors who have waived their right to payment.
    c) Encourager l'utilisation de technologies d'échange entre homologues pour le partage des connaissances scientifiques et celle des prééditions et rééditions de communications rédigées par des scientifiques ayant renoncé au paiement de leurs droits d'auteur.
    Traduction corrigée. (WSIS-SI) :
    c) Promouvoir l'utilisation de technologies d'échange pair à pair pour le partage des connaissances scientifiques, et des prééditions et rééditions de communications rédigées par des auteurs scientifiques ayant renoncé à leurs droits à rémunération.
    d) Promote the long-term systematic and efficient collection, dissemination and preservation of essential scientific digital data, for example, population and meteorological data in all countries.
    d) Promouvoir la collecte, la diffusion et la préservation systématiques et efficaces des données numériques scientifiques essentielles, par exemple en ce qui concerne la démographie et la météorologie, dans tous les pays et ce, à long terme.
    Traduction corrigée. (WSIS-SI) :
    d) Promouvoir la collecte, la diffusion et la préservation, à long terme, systématiques et efficaces des données numériques scientifiques essentielles, par exemple les données démographique et météorologique, dans tous les pays.
    e) Promote principles and metadata standards to facilitate cooperation and effective use of collected scientific information and data as appropriate to conduct scientific research.
    e)Appuyer les principes et les normes relatifs aux métadonnées afin de faciliter la coopération, ainsi que l'utilisation efficace des informations et données scientifiques collectées pour les besoins de la recherche scientifique.
    Traduction corrigée. (WSIS-SI) :
    e) Promouvoir les principes et les normes relatifs aux métadonnées afin de faciliter la coopération, ainsi que l'utilisation effective des informations et données scientifiques appropriées pour mener la recherche scientifique.

  • Final Document / International Conference "UNESCO between two Phases of the World Summit on the Information Society" ( Saint Petersbourg, 17-19 Mai 2005 ) comprenant des recommandations plus détaillées sur le Libre Accès. Ces recommandations ont, pour l'instant, surtout une valeur déclarative, car elles n'ont pas été soumises ensuite à la conférence générale (33C) de l'UNESCO.
  • Consultation meeting on WSIS Action Line C3 "Access to information and knowledge"
    ( 16 October 2006, UNESCO, Paris, France )
  • Consultation meeting on WSIS Action Line C7 "E-science"
    (22 October 2006, Beijing, China)
    Les thèmes probablement retenus dans la ligne d'action « cybersciences » sont :
    Academic network access ( voir aussi lignes d'actions C2 & C4 )
    Open Access ( voir aussi C3 )
    Preservation ( voir aussi C9 media )
    P2P and scientific knowledge sharing
    Metadata standards, search engines, object identifiers.
    Ainsi que les thèmes transversaux
    Research
    Ethics ( voir aussi C10 ethics )
    Digital Divide ( Digital solidarity agenda )
    Financial mechanisms ( Digital solidarity agenda )
    Multi stakeholder partnerships ( voir aussi C7 e-learning )
    Linguistic diversity ( voir aussi C8 )
    Concernant ces thèmes, les groupes de travail multipartenaires en train de se former sont des groupes constitués par des gouvernements, puisqu'à la base, le processus du SMSI est intergouvermental, mais il est aussi ouvert à la Société Civile et en particulier la Communauté Scientifique. Par conséquent, il semblerait judicieux que l'Académie des Sciences et l' InterAcademy Panel y participent.
  • First Meeting of the Internet Governance Forum (IGF) ( Monday 30 October - Thursday 2 November, 2006, Athens, Greece )

    Il est encore trop tôt pour tirer des enseignements de cet événement, sur lequel il y a actuellement une grande variété d'opinions. Néanmoins on peut signaler la tenue de nombreux ateliers dont l'un a été consacré à l' accès à la connaissance et la liberté d'expression , et un autre consacré à la diversité linguistique où fut exposé, entres autres communications, la proposition des « Linguistic SWgTLDs » ( Linguistic Semantic Web Generic Top Level Domains ), ou noms de domaines génériques linguistiques selon la toile sémantique. Les Identificateurs d'Objet Numériques (DIGITAL OBJECT IDENTIFIERS - DOI) ainsi que les Service de Nommage d'Objet (Object_Naming_Service, qui fonctionne en conjonction avec les RFIDs ), constituent des problèmes emergents très importants. Pour diverses raisons, ces questions ont été pratiquement ignorées à Athènes, mais on peut espérer qu'elles seront traitées à Rio, en 2007. Des suggestions concernant ont été faites concernant les sujets émergents qui, d'après les textes du SMSI, peuvent faire l'objet de recommandations ( cf FreeW3 ).


  • Remarques et Suggestions spécifiques
    • Il a été avancé par certains, pendant la discussion, que le problème de la fracture numérique se situait d'abord au niveau du moyen d'accès à l'internet, et qu'il ne fallait pas se focaliser uniquement sur l'accès au contenu. En fait, la plupart des universités dans les pays en développement possèdent des réseaux internet locaux adéquats, mais des connexions extérieures déficientes. Le libre accès, contrairement aux modèles à accès restreints et payants, permet physiquement un meilleur accès, car il permet l'établissement de sites ou de copies miroirs. Il n'est pas exact d'affirmer qu'il n'est pas possible faire des copies « statiques » (très simples à faire ) de sites dits « dynamiques » ( le cas de beaucoup de revues et d'archives ), si on prends soins que les URLs soient ré-écrites au niveau du serveur Web. Dans certains cas, il est même préférable d'envoyer un DVD par voie postale, plutôt que d'utiliser la connexion internet internationale surchargée. A cet égard, Il faut distinguer le libre accès complet et des versions dégradés ( Open Choice, etc ) qui autorisent certes un accès gratuit mais uniquement sur le site du publieur. Par conséquent, le libre accès permet indirectement un meilleur accès physique à l'information scientifique.

    • En 1997, les Editions Gauthier Villars sont acquises par Elsevier et l'Académie des Sciences lui confie la publication de ses Comptes Rendus, il serait convenable que l'Académie mette fin à ce contrat, et déclare son indépendance, suivant en celà le mouvement Declaring Independence de SPARC ( the Scholarly Publishing and Academic Resources Coalition ), afin d'adopter une politique en Libre Accès.

    • Il semblerait judicieux que l'Académie engage un processus de réflexion approfondi, concernant le rôle et l'impact de la diffusion du savoir scientifique dans la société, au lieu de procéder à une étude limitée à l'analyse des conditions plus ou moins justes du marché de la publication scientifique, sans se poser la question préalable si l'existence même de ce type de marché se justifiait. Le SMSI, de par sa nature mondiale, a porté la réflexion dans un cadre plus large, et notamment dans un cadre sociétal et macroéconomique.
      Le Libre Accès se justifie pleinement dans une approche humaniste, qui a permis, après l'ésotérisme du moyen-age, une véritable renaissance intellectuelle dont nous sommes les héritiers et les bénéficiaires. Cette raison peut se suffire en soi, mais il ne faut pas oublier que le Libre Accès se justifie aussi au nom de l'efficacité économique. Les états investissent dans la recherche dans le but de stimuler l'économie. Ces investissements publics, selon l'effet bien connu du multiplicateur de Keynes, devraient induire par effet de levier un effet démultiplié dans l'économie. Un des principaux produits de la recherche est l'information scientifique qui devrait pouvoir être à la disposition de tous les acteurs économiques, notamment les startups et les entreprises innovantes. En levant une sorte de droit péage féodal, non commensurable au service rendu, sur la publication scientifique, certaines entreprises, c'est à dire les publieurs commerciaux et cryptocommerciaux, diminuent fortement l'effet de multiplicateur et donc ralentissent la croissance et l'emploi, malgré la volonté publique. N'oublions qu'il s'agit d'un secteur indirectement mais entièrement subventionné, où des auteurs bénévoles donnent gratuitement le contenu de leurs rapports de recherche, et c'est la valeur du contenu, et non le formatage qui permet d'exiger des prix si exorbitants. Il est clair que les partisans de libéralisme, une fois pleinement informés de cette situation à la fois unique et inique, ne pourront pas permettre que celle-ci se maintienne plus longtemps. C'est ce qui explique pourquoi, les principales puissances occidentales ont finalement acceptées, au SMSI, de ne plus s'opposer aux recommandations en faveur du Libre Accès. Tous les états, que ce soient les pays développés, en transition, ou en développement, attendent de faire des économies substantielles, grâce au libre accès. S'il ne s'agissait que d'un problème philosophique, leurs intérêts seraient bien plus limités. Il en découle que l'Académie doit aller à la rencontre de la préoccupation des états. Il paraît donc indispensable que l'Académie des Sciences participe aux groupes de travail multi-acteurs du SMSI, à l'UNESCO, où les délégations des états sont présents.
      Cette participation et cette réflexion permettra sans doute à l'Académie, de recommander au niveau national, sans crainte de briser une certaine inertie, des propositions de politique publique, à la fois plus contraignantes, plus dynamiques et plus inclusives de toutes les stratégies qui sont proposées ( journaux, archives, P2P, etc...).
      nfin, il apparaît, mais cela semble aller de soi, dans un cadre international, qu'une réflexion approfondie soit menée au niveau des nouveaux usages et technologies ( P2P, Multimédia, YouTube, DOI, etc.. ) qui amène à de profonds changements dans la manière de travailler, voire même de raisonner parmi les générations montantes. Il est clair aussi, et c'est un des enseignements du SMSI, que cette démarche doit tenir compte de la diversité linguistique et culturelle.

  • Conclusions

    Messieurs les Académiciens,
    Mesdames, Messieurs,
    Considérant que l'Académie des Sciences constitue le canal historique de formulation de propositions de politiques publiques concernant la Science, tant auprès du législateur que du pouvoir exécutif, il est crucial que l'Académie s'implique dans la mise des oeuvres des recommandations du Sommet Mondial sur la Société de l'Information, et ceci, tant au niveau national qu'au niveau international.
    Alors qu'une société de l'information est en train de se construire sous nos yeux, ou plutôt sur nos écrans, devrait-on dire !, il apparaît impératif que l'Académie s'implique dans ces changements qui ne sont pas uniquement des évolutions technologiques mais aussi des évolutions, et peut être même des révolutions, dans la gouvernance, dans le raisonnement et les usages.





Le texte ci-dessus en format   PDF file   Open Office file  


WSIS-SI.ORG     WSIS CIVIL SOCIETY WORKING GROUP