ETUDE DES EXCEPTIONS AU DROIT D’AUTEUR ET AUX DROITS
VOISINS DANS LA DIRECTIVE CE n° 2001 / 29 DU 22 MAI 2001
Sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la
société de l’information
Mémoire de DEA PROPRIETE INTELLECTUELLE
Présenté par
POTANBISSI Désirée
Sous la direction de
Monsieur le Professeur Yves REBOUL
1

PLAN
INTRODUCTION
PARTIE I -
L’HARMONISATION PARTIELLE DES EXCEPTIONS DANS LA
DIRECTIVE CE DU 22 MAI 2001

Chapitre 1 -
L’exception obligatoire pour les actes de reproduction provisoires
Section 1- Les nécessités de l’exception obligatoire
Section 2- Les contours incertains de l’exception obligatoire
Chapitre 2 -
La multiplicité d’exceptions facultatives au droit de reproduction et de
communication au public.

Section 1- La liste limitative d’exceptions facultatives
Section 2- L’incompatibilité des exceptions facultatives avec l’objectif
d’harmonisation de la directive.
PARTIE II-
A LA RECHERCHE DE SOLUTIONS POUR UNE HARMONISATION
PLUS ACHEVEE

Chapitre 1
La soumission de certaines reproductions provisoires à l’autorisation des
auteurs.

Section 1 Les actes de reproduction provisoires concernés par l’autorisation
Section 2 Les personnes concernées par l’autorisation
Chapitre 2
L’adoption des exceptions facultatives à la réalité numérique
Section 1 La prise en compte de l’évolution de la société et de la technique
Section 2 La suppression de la copie privée numérique
CONCLUSION
ANNEXE
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES MATIERES

2

INTRODUCTION
«Les exceptions sont inhérentes aux droits auxquels elles dérogent ; elles sont
contenues dans ces droits, elles en fixent la mesure»1. Yves GAUBIAC souligne ainsi le lien
qui existe entre les droits d’auteur et ses limites. C’est le lieu de dire que les exceptions visent
à établir un juste équilibre entre les intérêts prédominants du public et ceux des titulaires de
droits.
La mondialisation du commerce et les évolutions technologiques ont multiplié les
vecteurs de la création et de l’exploitation des œuvres, de telle sorte que la balance des droits
préexistants entre les utilisateurs et les ayants droit est remise en cause. Les modes
d’utilisation des œuvres et des enregistrements ont été profondément transformés. Le
phénomène s’est généralisé avec les techniques numériques, suivies de l’apparition sur le
marché de nouveaux supports enregistrables2. Au sein de la Communauté européenne, le
niveau de protection des œuvres varie d’un Etat à l’autre. Ceci peut conduire à l’admission
d’une exception par un Etat membre et non par les autres. Il était utile d’éviter que ces
divergences deviennent une source de distorsion susceptible d’entraver le fonctionnement du
marché intérieur. C’est ainsi que le 09 avril 2001, le Conseil de l’Union européenne a adopté
la directive sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans
la société de l’information3.
Toute la question est de savoir si les exceptions prévues dans ce texte correspondent à
l’objectif d’uniformisation des législations communautaires. Mais avant d’étudier ce point, il
convient au préalable de définir certains termes importants.
Le droit d’auteur s’entend de « l’ensemble des prérogatives d’ordre moral et
patrimonial, reconnues aux auteurs d’œuvres de l’esprit »4. Les droits voisins quant à eux sont
les droits des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et de vidéogramme et
enfin les droits des entreprises de communication audiovisuelle. Certaines directives

1 Y. GAUBIAC, Les exceptions : la méthode suivie et les résultats obtenus, Propriété Intellectuelle, Colloque
organisé par l’IRPI, janvier 2002 / n° 2, Paris, p.17.

2 A. LUCAS, Droit d’auteur et numérique, Litec 1998, p.167.
3 Directive CE, n° 2001/29, JOCE L167, 22 juin 2001, p.10.
4 A. ET H. J. LUCAS, Traité de la propriété littéraire et artistique, Litec, 2e édition, 2001, note 1.
3

communautaires emploient l’expression « droit d’autoriser ou d’interdire » pour qualifier le
droit d’exploitation appartenant à l’auteur5. Cette prérogative rend nécessaire le fait de
recueillir le consentement de l’auteur avant d’effectuer toute reproduction ou toute diffusion
de l’œuvre. Le législateur a toutefois prévu des exceptions à ce monopole d’exploitation.
Dans le langage courant, le terme exception est défini comme « l’action d’excepter, de
mettre à part ». Au sens juridique, il peut revêtir deux sens différents, mais éventuellement
complémentaires6. Son premier sens, issu du langage courant désigne « un cas soumis à un
régime particulier par l’effet d’une disposition spéciale dérogeant à la règle générale ». Son
second sens, plus restreint, désigne tout moyen de défense invoqué pour faire écarter une
demande en justice. Certains auteurs complètent cette définition en précisant que ces
exceptions peuvent constituer des moyens de défense au fond lors d’une action en
contrefaçon7.
Les exceptions ont donc pour objet de priver l’auteur de son droit d’interdire l’usage
de son œuvre. Elles permettent au public d’utiliser l’œuvre dans certains cas, sans avoir à
demander l’autorisation de l’auteur. Ces dérogations se justifient par l’absence de préjudice
économique subi par l’auteur et les nécessités sociales de circulation de l’information8. Ainsi,
la Convention de Berne9, qui est le premier texte international en matière de protection des
œuvres littéraires et artistiques autorise les Etats membres à prévoir dans leurs législations les
exceptions au droit exclusif, mais sous certaines conditions. Elles doivent être appliquées dans
des « cas spéciaux qui ne portent pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre et ne
causent pas un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur ». Cette exception
générale et imprécise a été reprise d’abord par l’Accord sur les ADPIC10, du 15 décembre
1993 et plus tard par les Traités OMPI11 de 1996.

5 Idem.
6 G. CORNU, Vocabulaire juridique, PUF, 8e édition, 2000.
7 L.BOCHURBERG, Le droit de citation, Masson 1994, p.12. « Le droit de citation n’est qu’une exception en
défense ».

8 Commission européenne, Guide pratique du droit d’auteur pour les producteurs de multimédia, Luxembourg
1996, p.75.
9 V. Les articles 9, 10 et suivants de la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et
artistiques signée le 09 septembre 1886. Elle a été régulièrement complétée et révisée, en particulier par l’acte de
Paris en 1971.
10 Accord de Marrakech du 15 décembre 1993, instituant l’OMC, sur les aspects des droits de propriété
intellectuelle qui touchent au commerce.
11 Traités de l’OMPI sur le droit d’auteur, les interprétations et exécutions des phonogrammes du 20 décembre
1996, JOCE 11 avril 2000, p.8.
4

Malgré cette approche internationale, deux conceptions très éloignées se confrontent
dans la Communauté européenne. Au concept de droit d’auteur (droit de la personnalité) qui
fonde la tradition française, allemande, italienne…, s’oppose le concept de « copyright »
anglo-saxon fondé sur l’importance économique du fait de la création. Face à cette situation,
cinq directives ont été adoptées aux fins d’harmoniser les droits d’auteur et les droits voisins
sur le territoire de l’Union.. Ces textes communautaires concernent les biens et les services
issus des nouvelles technologies et protégés par le droit d’auteur.
Pour permettre une vue d’ensemble, nous présenterons ces directives par ordre
chronologique.
- En 1991, la directive concernant la protection juridique des programmes
d’ordinateur12 a imposé aux Etats membres de protéger les logiciels par le droit
d’auteur en tant qu’œuvre littéraire, au sens de la Convention de Berne. Les
exceptions aux droits exclusifs de reproduction, de traduction, d’adaptation et
d’arrangement sont très limitées et motivées par des considérations techniques.
- La directive de 1992 relative aux droits de location et de prêt et à certains droits
voisins du droit d’auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle13.
- La troisième directive de 1993 s’est intéressée à la coordination de certaines règles
du droit d’auteur et des droits voisins, applicables à la radiodiffusion par satellite et
à la retransmission par câble14.
- La directive de 1993 sur l’harmonisation de la durée de protection du droit
d’auteur et de certains droits voisins. A l’exception des œuvres
cinématographiques, la protection dure toute la vie de l’auteur et pendant 70 ans
après sa mort15.
- Enfin, en 1996, la directive relative à la protection juridique des bases de
données16.
Cependant, tous ces textes communautaires, de même que la Convention de Berne
évoquée supra n’apportent pas de réponse aux problèmes liés à l’exploitation numérique.

12 Directive 91/250/CEE du Conseil du 14 mai 1991, JOCE L 122 du 17/05/1991, p.42, modifiée par la directive
93/98/CEE
13 Directive 92/100/CEE du Conseil du 19 novembre 1992, JOCE L 346 du 27/11/1992, p.61 ; modifiée par la
directive 93/98/CEE.
14 Directive 93/83/CEE du Conseil du 27 septembre 1993, JOCE L 248 du 06/10/93, p.15.
15 Directive 93/98/CEE du Conseil du 29 octobre 1993, JOCE L 290 du 24/11/93, p.9.
16 Directive 96/9/CEE du Parlement européen et du Conseil, JOCE L77 du 27/03/96, p.20.
5

Cette dernière concerne les réseaux interactifs, appelés couramment « autoroute de
l’information », sur lesquels circulent les œuvres protégées17. Pour pallier à cette inadaptation
des normes préexistantes, la Commission européenne a lancé une large consultation auprès
des Etats membres, à travers le Livre Vert du 19 juillet 199518. Celui-ci a abouti à une
communication du 20 novembre 199619, concluant à la nécessité d’harmoniser davantage les
aspects du droit d’auteur et des droits voisins touchés par les nouveaux défis que représentent
la numérisation et le multimédia. D’ailleurs, la Commission européenne fait valoir que « les
nouvelles technologies ont déjà eu pour effet de développer considérablement l’exploitation
transfrontalière des œuvres littéraires, musicales ou audiovisuelles et les autres objets
protégés, tels que les phonogrammes. Ces évolutions vont s’accentuer et les différences de
niveau de protection d’un Etat membre à l’autre auront donc une incidence plus grande. De
nouvelles différences risquent d’apparaître si les Etats membres adaptent unilatéralement
leurs règles en matière de droit d’auteur et de droits voisins aux nouvelles évolutions
technologiques »20.
Face à cette insécurité juridique, le Conseil a adopté la sixième directive sur le droit
d’auteur21. Les Etats membres disposent d’un délai de 18 mois à compter de la publication au
Journal Officiel des Communautés Européennes pour transposer le texte en droit national22.
Contrairement aux directives précédentes23 qui étaient ciblées sur un ou deux aspects
des droits ou de leur mise en œuvre, la nouvelle directive s’est fixée des ambitions plus
élevées. Cette dernière cherche à définir non seulement les droits d’auteur et les droits voisins,
mais surtout à harmoniser les exceptions possibles à ces droits dans l’environnement
analogique et numérique. Le considérant 31 de la directive précise bien que l’objectif
poursuivi est de « maintenir un juste équilibre en matière de droits et d’intérêts entre les
différentes catégories de titulaires de droits ainsi qu’entre celles-ci et les utilisateurs », ce qui
implique que « les exceptions et limitations actuelles aux droits telles que prévues par les
Etats membres doivent être réexaminées à la lumière du nouvel environnement électronique »

17 J. MYARD, Le droit d’auteur et les droits voisins dans l’environnement numérique : agir contre le piratage,
Rapport déposé par la Délégation de l’Assemblée Nationale pour l’Union européenne, 1998, p.16.
18 Livre Vert de la Commission des Communautés européennes sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la
société de l’information, COM (95) 382 final, juillet 1995.
19 COM (96) 568 final.
20 J. MYARD, op. cit., note 17, p.17.
21 V. supra, note 3.
22 La directive ayant été publiée le 22 mai 2001, ses dispositions devront être transposées en droit national au
plus tard le 22 novembre 2002.
6

et qu’ « elles doivent être définies de façon plus harmonieuse », afin que soit assuré le bon
fonctionnement du marché intérieur.
La directive prévoit dans son article 5 une exception obligatoire au droit de
reproduction et vingt exceptions facultatives au droit de reproduction et de communication au
public.
L’unique exception obligatoire pour les copies techniques (article 5§1) est la
contrepartie d’une définition très large du droit de reproduction. Cette dérogation est inédite
en droit d’auteur, malgré les différentes évolutions techniques traversées. Elle exonère de
droit d’auteur les actes de reproduction constitutifs d’un procédé technique. Il s’agit des
copies d’œuvres qui ne constituent que des étapes de leur transmission sur les réseaux ou de
leur utilisation licite.
Le texte communautaire contient également une multitude d’exceptions ou limitations
au droit de reproduction et de communication au public. Elles sont prévues par les
paragraphes 2 à 4 de l’article 524. Certaines sont subordonnées à la condition que les titulaires
reçoivent une « compensation équitable », en conséquence d’un manque à gagner dû aux
exceptions en cause.
Après avoir énuméré les exceptions susceptibles d’être adoptées par les Etats
membres, la directive a limité la possibilité de prévoir les exceptions à l’article 5§5. Ce « test
en trois étapes » repris de l’article 9§2 de la Convention de Berne s’étend à tout type
d’exception et conditionne son application. Ainsi, les exceptions aux droits patrimoniaux des
titulaires de droits ne peuvent être invoquées que s’ils figurent dans la liste limitative fixée
dans l'article 5 et ne portent pas atteinte aux intérêts économiques des ayants droits.
En fait, les exceptions que la directive propose sont dans la perspective privilégiée de
la société de l’information et d’une uniformisation des législations européennes. Néanmoins,
il convient de se demander si ces dispositions répondent bien à cette ambition. Autrement dit,
les exceptions définies par la directive sont-elles susceptibles de répondre à l’objectif

23 V. supra note 13 à 17.
24 V. infra, Première partie, chapitre 2.
7

d’harmonisation recherchée par cette dernière ? C’est là que réside toute la problématique des
exceptions et limitations contenues dans ce texte.
La question de l’harmonisation des exceptions constitue le point le plus sensible, à
cause des traditions culturelles et sociales différentes dans chaque pays. Le législateur
européen a pris le soin de dresser une impressionnante liste de vingt exceptions facultatives
pour les Etats (article 5§2 et 3). Ceux-ci ne peuvent pas laisser subsister dans leur législation
une exception qui ne figure pas dans la directive. Cette liste exhaustive ne permet pas
d’adapter les exceptions à l’évolution des pratiques sociales et de la technologie.
La grande liberté laissée aux Etats a été fortement critiquée par la doctrine25. La
plupart d’auteurs estiment que cette latitude étant incompatible avec l’harmonisation, les
disparités dans les législations ne seront pas abolies. Dans ce cas, on peut parfaitement
attendre la transposition ou son absence, au titre de l’une ou de plusieurs des exceptions
énoncées. Ce qui est contraire à toute recherche d’uniformisation des normes juridiques.
La liberté dont dispose les Etats membres peut bien paralyser l’exploitation des
œuvres sur les réseaux. Le plus curieux c’est qu’une exception aussi fondamentale que celle
de la copie privée est facultative. Pourtant, on sait l’ampleur prise aujourd’hui par la copie
privée devenue un véritable mode d’exploitation des œuvres. Les techniques numériques
autorisent des facilités de reproduction et de communication. Aujourd’hui, le contrôle de la
copie privée numérique peut bien se faire dans de nombreux cas, sans malmener la vie privée
de l’utilisateur. Autant dire que l’exception n’a plus de fondement juridique. La directive
aurait donc pu, à la rigueur, imposer aux Etats membres de supprimer l’exception de copie
privée numérique26. Par le jeu des dispositifs techniques de protection, les ayants droits
peuvent interdire la copie ou l’accès à l’objet protégé ou la qualité des reproductions.

25 F. DEGROOTE, Directive sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans
la société de l’information : à la recherche d’un équilibre des droits,
Cahiers Lamy droit de l’informatique et des
réseaux, n° 136, mai 2001, p.4. « La synthèse des régimes d’exceptions actuellement en vigueur dans les Etats
membres n’ayant pas été obtenue, on assiste à une hypertrophie du régime des exceptions au détriment de son
harmonisation
» ; L. COSTES, Droits d’auteur et Internet : Nouvelles exigences et mise en œuvre de la directive
européenne,
Bulletin d’actualité, Lamy droit de l’informatique et des réseaux, n° 138, juillet 2001, p.6. « Les
exceptions étant très diverses, l’harmonisation ne sera de ce fait jamais véritablement atteinte dès lors que les
Etats n’adopteront pas les mêmes exceptions »
.
26 A. LUCAS, op. cit., note 2, n° 389.
8

D’ailleurs, afin de rendre les mesures techniques plus efficaces, le texte contraint les Etats
membres à instaurer une protection juridique des mécanismes techniques27.
Comme on le voit, le caractère facultatif des exceptions et le maintien de l’exception
de copie privée numérique rendent malaisé l’approche uniforme engagée par la directive. Par
conséquent, la transposition ne pourrait être identique dans les Etats. Cela est perceptible à
travers les articles de la doctrine28 qui soutiennent que l’harmonisation est loin d’être atteinte.
Le fait que la publication du texte soit récente (22 mai 2001) explique la rareté de la
jurisprudence et des ouvrages spécialisés en la matière.
Notre étude va s’articuler autour de l’unique exception obligatoire relative aux actes
de reproduction provisoires et de la multiplicité d’exceptions facultatives qui concernent les
actes de reproduction et de communication au public. Ces dernières retiendront le plus notre
attention, à cause de leur influence sur les disparités des législations européennes.
Il nous semble opportun d’étudier dans une première partie l’harmonisation partielle
des exceptions dans la directive du 22 mai 2001, puis dans une seconde partie les solutions
envisagées pour une harmonisation plus achevée.


27 Dans le même sens que les Traités OMPI (article 11, traité sur le droit d’auteur et article 18 , traité sur les
droits voisins), l’article 6-1 de la directive oblige les Etats à prévoir « une protection juridique appropriée contre
le contournement de toute mesure technique efficace »
.
28 v. Les notes supra qui ont trait à la directive sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de
l’information.
9

Partie 1.
Chapitre 1 :
L’EXCEPTION OBLIGATOIRE POUR LES ACTES DE
REPRODUCTION PROVISOIRE


La seule exception au droit de reproduction imposée aux Etats membres est prévue à
l’article 5.1 de la directive droit d’auteur et société de l’information. Cette importante
dérogation inédite en droit d’auteur a été l’un des aspects les plus débattus par le parlement
européen. Elle est destinée à autoriser les actes de reproduction provisoires ou accessoires qui
font essentiellement partie d’un processus technique.
Les nécessités des copies techniques ne sont plus à démontrer après les différentes
évolution de l’exploitation des œuvres en ligne. L’exonération du droit d’auteur des actes de
reproduction constitutifs d’un procédé technique, doit permettre aux intermédiaires techniques
de transmettre en toute liberté les information sur Internet. De même, ces reproductions
permettent au public d’avoir un accès facile et plus rapide aux pages WEB. C’est ce qui
confirme la nécessité de l’exception (Section 1). Toutefois, l’exception obligatoire suscite
quelques incertitudes quant à ses contours (Section 2)
SECTION 1 : LES NECESSITES DE L’EXCEPTION OBLIGATOIRE
La circulation des œuvres sur les réseaux numériques est une pratique qui suppose
une fixation provisoire des données. Celles-ci se réalisent, soit en amont lors de
l’acheminement des informations sur Internet par les prestataires techniques, soit en aval lors
de l’exploitation des œuvres par les utilisateurs.
Les reproductions temporaires constituent un domaine de la recopie systématique
fonctionnellement nécessaire29. Il s’agit en effet, des copies éphémères ou volatiles qui sont
indispensables en ce qu’elles sont absolument nécessaires à la transmission des données.
Ainsi, Monsieur FRASER relève que « le fonctionnement normal de l’Internet passe
forcément par des copies transitoires, faute de quoi l’accès serait plus lent, voire


29 X. LINANT de BELLEFONDS, Les outils logistiques du net et la propriété intellectuelle, in Internet saisi par
le droit, sous la direction du même auteur, Paris, Ed. des Parques, 1997, p.153.
10

impossible »30. Les différentes reproductions provisoires susceptibles d’être soumises à
l’exception obligatoire(§1) sont donc justifiées tant sur le plan technique, qu’économique.(§2)
§1 : Les reproductions provisoires soumises à l’exception obligatoire.
L’application stricte des lois sur la propriété intellectuelle pourrait amener à considérer
les reproductions effectuées uniquement pour des raisons techniques comme contrefaisantes.
Toutefois, cette conception serait la source d’incohérences et de conflits juridiques. C’est ce
qui explique l’adoption de différentes formes de copies techniques, comme de nouvelles
exceptions au droit d’auteur31. Il était donc indispensable de conférer à l’article 5§1 de la
directive droit d’auteur et société de l’information, un caractère obligatoire. Cette solution se
justifie par le fait que les communications en ligne seraient entravées si certains Etats
membres et pas les autres soumettaient les reproductions intermédiaires à l’autorisation32. Les
actes de reproduction provisoires qui dérogent au droit d’auteur sont définis à l’article 5§1 de
la directive (A). Pour mieux les appréhender, il convient de présenter les différents aspects
techniques des reproductions provisoires (B).
A. Définition de l’exception obligatoire.
Théoriquement, la définition extensive de la notion de reproduction inclut dans le champ
du droit exclusif de l’auteur les fixations provisoires. Pourtant, Monsieur André LUCAS
considère que« Le bon sens répugne à considérer qu’une même transmission puisse
correspondre à 43 actes de reproduction, tous subordonnés à l’autorisation de l’auteur
transmise, sous prétexte que le processus technique s’est traduit par 43 fixations qui ont duré
seulement un instant de raison
»33. Cela témoigne le fait que les copies provisoires méritaient
bien une exception qui puisse les affranchir du système des droits d’auteur. La directive
prévoit ainsi, dans son article 5§1, l’unique exception obligatoire pour reproduction provisoire
(1), déjà consacrée par les directives antérieures (2).
1. L’article 5 § 1 de la directive sur le droit d’auteur.
La directive intègre clairement dans cet article des hypothèses qui dérogent
obligatoirement au droit d’auteur. En effet, l’article 5§1 dispose que: « Les actes de
reproduction provisoires visés à l’art 2, qui sont transitoires ou accessoires et constituent une
partie intégrante et essentielle d’un procédé technique et dont l’unique finalité est de
permettre :


30 S. FRASER, The Copyright Battle : Emerging International Rules and Roadblocks on the Global Information
Infrastructure
; The John Marschall journal of Computer and Information Law, 1997, p.775.
31 B. WARUSFEL, La Propriété Intellectuelle et l’Internet, Ed. Domi-Flammarion, Paris 2001, p.78.
32 J. PASSA, Internet et droit d’auteur, Juris classeur Communication 2002 Fasc 6100, p.19 ; v. aussi B.
Edelman, Dalloz 1998, note 24, p.622.
33 A. LUCAS, Droit d’auteur et numérique, Litec 1998 – A. et H. J. LUCAS, Traité de la propriété littéraire et
artistique
, Litec, 2e Ed, 2001, n° 322. – S. HAYES, La violation du droit d’auteur sur Internet : la responsabilité
relative au contenu des transmissions, in l’espace cybernétique n’est pas une terre en loi, Etude des questions
relatives à la responsabilité à l’égard du contenu circulant sur Internet
, Industrie Canada, 1997, p.244.
11

a) une transmission dans un réseau entre tiers par un intermédiaire ou
b) une utilisation licite

d’une ou d’un objet protégé, et qui n’ont pas de signification économique indépendante sont
exemptés du droit de reproduction prévu à l’art 2
».
L’exception obligatoire établie la distinction entre deux hypothèses : celle où l’œuvre
est transmise dans un réseau par un intermédiaire technique et celle où l’œuvre est
simplement utilisée de manière licite .
Suivant cette hypothèse, Monsieur Pierre SIRINELLI en avait déduit qu’il s’agit des
copies, non seulement volatiles effectuées dans les ordinateurs de routage, mais également des
copies provisoires34. Dans le cas de l’opération de stockage éphémère, le mécanisme est le
suivant : « l’utilisateur d’une base de données ou d’un serveur distant, peut demander à
l’exploitant du service de téléchargement d’une copie numérisée. Celle-ci est ensuite
transmise , via un réseau numérique, aux fins de copie et / ou de visionnage sur son micro-
ordinateur et, pourquoi pas, à l’avenir, sur tout autre appareil de réception
»35. La copie
temporaire des informations par l’ordinateur personnel de l’utilisateur, permet à travers cette
opération de ne pas se connecter au réseau à chaque consultation.
L’article 5§1 concerne de multiples reproductions techniques temporaires. Certaines
sont réalisées en amont non pas par les exploitants de sites, mais par les opérateurs de réseaux
(fournisseurs d’accès), au cours du processus d’acheminement des œuvres vers les terminaux
des usagers36. De même, l’art 5§1 a prévu un certain nombre de conditions à satisfaire par les
actes de reproduction provisoires. Ils doivent être « transitoires ou accessoires
»,
constituer « une partie intégrante et essentielle d’un procédé technique », et ne pas avoir de
« signification économique indépendante ». La notion de partie intégrante et essentielle d’un
procédé technique doit par conséquent avoir pour finalité de permettre, soit une transmission
dans un réseau entre tiers par un intermédiaire, soit une utilisation licite.
Les actes de reproduction provisoires qui n’ont pas de valeur économique propre et ne
risquent donc pas de porter atteinte aux intérêts économiques du titulaire des droits sont les
suivants :
- les copies éphémères liées au seul transport du contenu numérique,
- la copie « cache » ou « tampon » effectuée par les fournisseurs afin de stocker
l’information sur un centre plus proche, ce qui permet d’accélérer l’accès aux
données et la fluidité du réseau,

34 L. COSTES, Droit d’auteur et Internet, nouvelles exigences et mise en œuvre de la directive européenne,
Bulletin d’actualité- Lamy droit de l’informatique et des réseaux, juillet 2001, p.12.
35 C. NGUYEN DUC LONG, Les conséquences juridiques de la numérisation des œuvres de l’esprit, Analyse en
droit d’auteur et droits voisins
, Thèse de doctorat en droit de l’Université de Paris Sud, présentée et soutenue
publiquement le 04 décembre 1998, p.275.
36 Y. GENDRAU, Le droit de reproduction et l’Internet, RIDA octobre 1998 n° 178 p.41 – v. aussi H. TILLIET,
à propos du projet de la directive européenne sur le droit d’auteur dans la société de l’information, Bull Lamy
Informatique, décembre 1997, p.1 – Art 13, Directive du 8 juin 2000 sur le commerce électronique.
12

- le « butinage » qui est une sorte de survol, qui permet de se déplacer de sites en
sites à la recherche d’informations37.
C’est ce que précise le considérant 33 de la directive sur le droit d’auteur. Aux termes
de celui-ci, la présente exception couvre « les actes qui permettent le survol « browsing »,
ainsi que les actes de prélecture dans un support rapide « caching », y compris ceux qui
permettent le bon fonctionnement efficace des systèmes de transmission, sous réserve que
l’intermédiaire ne modifie pas l’information et n’entrave pas l’utilisation licite de la
technologie, largement reconnue et utilisée par l’industrie, dans le but d’obtenir des données
sur l’utilisation de l’information ».
Cette protection accordée aux actes de fixation transitoire
avait déjà été consacré dans le domaine électronique par les directives antérieures.
2. L’adoption de l’exception obligatoire par les directives communautaire antérieurs.
Les directives sur les programmes d’ordinateurs et sur les bases de données prévoient
une dérogation légale au profit des intermédiaires techniques. Il s’agit notamment des actes
qui sont nécessaires à l’utilisation normale de l’œuvre.
- L’article 5§1 de la directive du 14 mai 199138 sur les programmes d’ordinateur
fait échapper au droit exclusif de l’auteur les reproductions « nécessaires pour
permettre à l’acquéreur légitime d’utiliser le programme d’ordinateur d’une
manière conforme à sa destination, y compris pour corriger les erreurs
».
- Dans le même sens, l’article 6§1 de la directive du 11 mars 199639 sur les bases de
données prévoit que : « l’utilisateur légitime d’une base de donnée ou de copies de
celle-ci peut effectuer tous les actes visés à l’article 5 qui sont nécessaires à
l’accès au contenu de la base de données et à son utilisation normale par lui-
même sans l’autorisation de l’auteur de la base ».

Ces deux dérogations communautaires ont déjà été transposées dans le droit français.
Aussi, l’exception relative à la reproduction a été incorporée dans les dispositions de l’article
L122-6, 1° du Code de la Propriété Intellectuelle. En matière de bases de données, l’exception
a été transposée à l’article L122-5, 5°. Dans l’esprit de certains praticiens, l’application de ces
solutions au stockage par numérisation des œuvres de l’esprit serait justifiée dès lors que ce
stockage n’a pas de caractère permanent40.

37 C. CARON, La nouvelle directive du 9 avril 2001 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de
l’information ou les ambitions limitées du législateur européen
, Juris-classeur Communication – Commerce
électronique, mai 2001, p.23.
38 Directive (CE) n° 91/250 du conseil du 14 mai 1991, concernant la protection juridique des programmes
d’ordinateur. Elle a été introduite en droit français par la loi n° 94 / 361 du 10 mai 1994, modifiant le code de la
propriété intellectuelle.
39 Directive (CE) n° 96 / 9 du Parlement Européen et du conseil du 11 mars 1996, concernant la protection
juridique des bases de données. Elle a été transposée en droit interne par la loi n° 98 / 536 du 1er juillet 1998,
modifiant le code de la propriété intellectuelle.
40 C. NGUYEN DUC LONG, op. Cit., p.275.
13

Les hypothèses développées ci-dessus trouvent leur source d’inspiration dans l’art 7§2
du projet du traité OMPI41(Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle) sur le droit
d’auteur. Celle-ci réservait la faculté pour les Etats de limiter le droit de reproduction
« lorsqu’une reproduction temporaire vise uniquement à rendre l’œuvre perceptible ou lorsque
la reproduction a un caractère éphémère ou accessoire, à condition que cette reproduction ait
lieu au cours d’une utilisation de l’œuvre qui est autorisée par l’auteur ou admise par la loi ».
Pour Monsieur André LUCAS, une telle formulation, qui n’était pas limitée à
l’environnement numérique, pouvait être considérée comme dangereuse. C’est la raison pour
laquelle l’admission devrait être tolérée uniquement pour les reproductions temporaires visant
à rendre l’œuvre perceptible42. Il convient ainsi d’analyser les différents aspects techniques de
la reproduction provisoire pouvant bénéficier de l’exception.
B. Les différents aspects techniques de la reproduction provisoire.
L’accès à une œuvre dans l’environnement numérique nécessite la réalisation de
nombreuses copies fugitives43. Ces copies sont qualifiées de fugitives, parce qu’elles sont
réalisées dans la mémoire vive de l’ordinateur récepteur et disparaissent immédiatement après
l’extinction de la machine. Différentes techniques sont appliquées, soit par l’ordinateur de
l’utilisateur, soit par celui des intermédiaires techniques. On distinguer le « routing » (1), le
« browsing » (2) et le « caching » (3).
1. Le « routing »
C’est une sorte de copie provisoire, qui le plus souvent ne représente qu’une partie de
l’œuvre. Le mécanisme est le suivant : lorsque deux machines connectées sur Internet
communiquent entre elles, les données qu’elles échangent sont découpées par paquets et
transitent par l’intermédiaire d’un nombre plus ou moins grand d’ordinateurs de relais appelés
routeurs. Ceux-ci ont pour fonction d’établir la meilleure route à suivre à l’aide de protocoles
et de tables. Une copie du paquet qui est transmise est réalisée lors de chaque passage par un
routeur44.
Ces copies effectuées lors de la transmission des informations, sont particulièrement
importantes pour le procédé technique. En plus, ces reproductions sont éphémères, car elles

41 Il s’agit du traité de l’OMPI sur le droit d’auteur qui a été adopté à Genève le 20 décembre 1996 par la
conférence diplomatique. V. A. FRANCON, RIDA ,avril 1997, La conférence diplomatique sur certaines
questions de droit d’auteur et de droits voisins, Genève 2 – 20 décembre 1996.
42 V. A. LUCAS, op. Cit., p.127.
43 S. DUSSOLIER, Incidence et réalités d’un droit de contrôle d’accès en droit européen, in Le droit d’auteur :
un contrôle de l’accès aux œuvres
? Cahier du CRID , n° 18, Bruxelles. Bruylant, 2000, p.29.
44 L. BODSON, Droit d’auteur : le droit de reproduction provisoire dans la nouvelle législation européenne, la
directive du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la
société de l’information
, Revue Ubiquité-Droit des technologies de l’information n° 11 / 2002, p.64.
14

ne subsistent que le temps de la transmission45. Ce qui exclut tout droit exclusif d’autorisation
ou d’interdiction de la part de l’auteur.
2. Le « browsing » ou butinage
C’est une technique qui implique une fixation des données dans l’ordinateur de
l’internaute, en l’occurrence dans la mémoire cachée. Le butinage consiste pour l’internaute à
se déplacer sur le réseau de site en site, grâce à des logiciels appropriés utilisant les ressources
de l’hypertexte et à visualiser sur son écran tout ou partie des œuvres rencontrées46.
Cette reproduction éphémère est qualifiée de stockage et non de transmission comme
dans le cas du « routing ». L’opération se situe donc au niveau du stockage des contenus
lorsque l’utilisateur explore le « world wide web » à l’aide d’un navigateur. L’ordinateur
récepteur confectionne une copie éphémère dans sa mémoire lors de chaque visualisation ou
écoute d’une œuvre sur le réseau47. Etant donné que cette fixation éphémère disparaît dès que
la machine est éteinte, on peut considérer qu’il ne s’agit pas d’une reproduction pouvant
donné prise au droit d’auteur.
3. Le « caching »
L’exception de « caching » s’inspire largement de la directive du 08 juin 200048sur le
commerce électronique. Elle prévoit dans son article 13 intitulé « forme de stockage dit
caching » que, sous certaines conditions, « les Etats membres veillent à ce que en cas de
fourniture d’un service de la société de l’information consistant à transmettre, sur un réseau
de communication des informations fournies par un destinataire du service, le prestataire ne
soit pas responsable au titre de stockage automatique, intermédiaire et temporaire de ces
informations faits dans le seul but de rendre plus efficace le transmission ultérieure de
l’information à la demande d’autres destinataires du service ».

Cette technique nécessite le stockage temporaire des données sur le système
informatique de l’utilisateur ou des fournisseurs d’accès. Le « caching » permet, en effet, de
diminuer le trafic sur le réseau et par conséquent d’améliorer ses performances en terme de
temps d’accès aux informations sollicitées. Il sert à enregistrer les pages WEB les plus
visitées dans un répertoire cache, au sein d’un disque dur. Lorsque cette même page est de
nouveau demandée, c’est la copie qui apparaît sans qu’on ait besoin de passer par un réseau49.

45 Idem
46 A. LUCAS, Droit d’auteur et numérique, v. supra note , p.131.
47 L. BODSON, Droit d’auteur : le droit de reproduction provisoire dans la nouvelle législation européenne, v.
supra note 17, p.58.
48 Directive 2000 / 31 / CE du Parlement européen et du conseil relative à certains aspects juridiques des services
de l’information et notamment du commerce électronique dans le marché intérieur, JOCE L.178 du 17 juillet
2000.
49 L. BODSON, Le droit d’auteur, op. cit., p.59.
15

Le « caching » peut être réalisé au niveau de l’utilisateur Dans ce cas on parlera de cache
client, ou au niveau des fournisseurs d’accès, il s’agira plutôt de cache proxy.
- Le cache client.
Le processus consiste pour le navigateur employé par chaque utilisateur, à réaliser une
copie de chaque page WEB consultée et la ranger dans le disque dur de l’ordinateur utilisé.
Lorsque cette page est ultérieurement sollicitée à partir de la même machine, c’est la copie du
disque dur qui apparaît et ce, beaucoup plus rapidement que s’il avait fallu se connecter à
nouveau50.
- Le cache proxy.
Cette technique vise pour les fournisseurs d’accès à mettre en place des serveurs relais
sur lesquels ils font les copies des sites les plus demandés et où ils stockent les services qui
ont déjà été consultés. Le cache « proxy » permet d’améliorer le temps de connexion à des
sites parfois situés à longue distance et évite d’encombrer les réseaux. il s’agit de rendre plus
efficace la transmission ultérieure de l’information déjà consultée à d’autres utilisateurs51.
Quand les internautes font des demandes d’informations, celles-ci sont d’abord traitées
par des ordinateurs intermédiaires appelés couramment « serveurs proxy ». Ceux-ci
contiennent des reproductions des sites les plus demandés, ce qui leurs permet alors d’accéder
rapidement aux informations antimémorisées. Le serveur informatique assurant l’interface
entre les abonnés des fournisseur d’accès et l’Internet peut réaliser, sur ses ordinateurs, une
copie intégrale des sites les plus visités par les abonnés afin d’économiser la liaison avec le
site original, souvent plus éloigné 52.
L’explication des divers aspects techniques de la reproduction provisoire, montre bien
leur utilité pour l’exploitation en réseau des œuvres. Mais, il convient de voir les motivations
du législateur quant à leur exclusion du monopole de l’auteur.
§2- Les justifications de la nécessité de l’exception obligatoire.
Selon les titulaires de droit, chaque copie réalisée, quelque soit sa nature, est une
reproduction. Or, cette thèse apparaît un peu excessive et mérite désormais d’être nuancée,
puisque l’exception pour la copie provisoire est admise par la directive. Il suffit que les actes
de reproduction interviennent dans le cadre d’une transmission de l’œuvre lors d’une
exploitation licite. Ceci suppose que l’application de l’exception pour copie provisoire est
soumise à l’appréciation de la licéité ou de l’illicéité de tout acte de transmission réalisé par
les fournisseurs de service. De toutes les façons, l’utilité de la prestation de ces derniers
mérite d’être prise en compte. Le meilleur moyen de reconnaissance reste la sauvegarde de
leurs intérêts (A), à travers l’exception pour copies techniques qu’ils sont supposés réalisées.

50 Idem.
51 V. SEDALLIAN, La responsabilité des prestataires techniques sur Internet dans le « Digital Millenium
Copyright Act americain et le projet de directive européenne sur le commerce électronique
, Bull Lamy, Droit de
l’informatique et des réseaux, n° 110, janvier 1999, p.2.
52 G. de BROGLIE, Le droit d’auteur et l’Internet, cahier des sciences morales et politiques, PUF, Paris 2001,
p.40.
16

Une autre vision repose sur la neutralité des reproductions provisoires, puisqu’ils
n’engendrent aucun préjudice économique (B).
A. La sauvegarde des intérêts des intermédiaires techniques.
Il serait injuste de soumettre les reproductions provisoires et transitoires effectuées
par les opérateurs de réseaux au droit de reproduction de l’auteur. Il faudrait tenir compte de
l’autorisation concédée par le titulaire du droit, aux fins de l’installation de son œuvre sur le
réseau numérique. Cette dernière est assimilée à une autorisation tacite de reproductions
ultérieures en faveur des intermédiaires techniques (1). En plus, ces copies sont indispensable
au fonctionnement du réseau numérique (2).
1. Autorisation tacite de reproductions provisoires par le titulaire des droits.
La thèse de l’autorisation tacite des reproductions intermédiaires a été vivement
soutenue par la doctrine. En effet, certains auteurs affirment qu’il serait logique de préciser
que la transmission des données elle-même a été autorisée par le titulaire des droits, faute de
quoi la copie indispensable à une transmission prohibée ne peut trouver de justification53. De
même, on peut considérer que la personne qui installe ou autorise l’installation d’une œuvre
sur un site n’ignore pas, compte tenu du fonctionnement d’Internet, que celle-ci sera
nécessairement reproduite de manière éphémère et accessoire dans les ordinateurs des
intermédiaires et des usagers consultant le site, ce qui permet de considérer que le titulaire des
droits autorise tacitement de telles reproductions 54.

La numérisation des œuvres en vue de la transmission requiert au préalable le
consentement des titulaires de droit. On comprend donc mal pourquoi l’acte de reproduction
accessoire devrait lui aussi être autorisé, alors qu’il ne s’agit que d’un procédé qui facilite le
fonctionnement efficace des systèmes de transmission. C’est pourquoi, afin d’encourager
l’exploitation des œuvres en réseau dans le marché intérieur, il était important que les
autorités communautaires tiennent compte de la réalité technique. D’ailleurs, à l’heure
actuelle où le droit d’auteur est souvent contesté dans son principe même, la soumission des
reproductions provisoires à l’autorisation des titulaires de droit n’aurait guère été opportune55.

53 L. BOCHURBERG et S. LEFORT,Directive droit d’auteur et société de l’information, Communication –
Commerce électronique, Ed du Juris –classeur, octobre 2000, p.19.
54 J. PASSA, Internet et droit d’auteur, v. supra note 5, p.19. – Rapport M. BUYDENS, Droit d’auteur et
Internet, Rapport pour les services du Premier Ministre
, Affaires scientifiques, techniques et culturelles :
Bruxelles, décembre 1998, n° 109.
55 Idem.
17

2. Nécessité de l’exception pour les opérateurs de télécommunication et les fournisseurs
d’accès.
La sauvegarde des intérêts des intermédiaires techniques est incluse dans l’exception
obligatoire prévue dans la directive sur le droit d’auteur et la société de l’information. Bien
que l’article 2 du même texte englobe dans son champ les reproductions temporaires, l’article
5§1 prévoit une exception obligatoire à ce principe concernant les actes « qui font partie
intégrante d’un procédé technique ayant pour unique finalité de permettre une utilisation
d’une œuvre ou d’un objet protégé, et, n’ont pas de signification économique indépendante ».

A la suite de la proposition de la directive56, les opérateurs de télécommunications
avaient exercé une vive pression sur le Parlement européen. Celle-ci visait à la supprimer la
notion de communication au public en cas de fourniture d’installations destinées à permettre
simplement une communication. Après le succès remporté, ils veulent également exclure leur
responsabilité relative aux actes de reproduction qu’ils exécutent57. Cette exonération du droit
d’auteur des actes de reproduction constitutifs d’un procédé technique se justifie par
l’exploitation licite qui en est faite.
L’exception doit pouvoir mettre les opérateurs de télécommunication et les
fournisseurs de services en ligne à l’abri de toute poursuite en contrefaçon. D’ailleurs, il s’agit
des copies d’œuvres qui ne constituent que des étapes de leur transmission sur les réseaux ou
leur utilisation licite58. Sont surtout visés les copies intermédiaires des données réalisées ou
transmises dont le seul but est d’améliorer l’accès par les internautes à des informations
accessibles sur le réseau59. La transmission des œuvres par les intermédiaires techniques est
non seulement licite, mais surtout neutre. Cette neutralité se justifie par l’absence de valeur
économique et le manque de communication au public.
B. La neutralité des actes de reproduction provisoire.
La neutralité des reproductions provisoires se conçoit à travers l’absence de valeur
économique (1) et l’absence de communication publique (2).

1. La reproduction provisoire comme acte économiquement neutre.
On distingue les reproductions temporaires réalisées d’une part par les utilisateurs et
d’autre part par les opérateurs de réseaux. Ces copies, du reste difficile voire impossibles à

56 Proposition de directive du Parlement européen et du conseil sur l’harmonisation de certains aspects du droit
d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, JOCE n° C 108 du 7 avril 1998.
57 L. BOCHURBERG et S. LEFORT, Directive droit d’auteur et société de l’information, v. supra note… p.19.
58 C. DESPRINGLE, Directive européenne sur le droit d’auteur du 14 février 2001 : les limites d’une vaste
ambition
, Expertises avril 2001,p.140.
59 S. BEGHE et L. COHEN TANUGI, Droit d’auteur et copyright face aux technologies numériques :
comparaisons transatlantiques
, légipresse n° 178, janvier / février 2001.
18

contrôler, sont considérées comme neutres au regard du droit d’auteur. Elles n’ont aucune
autonomie et correspondent à une étape du procédé technique de communication des données
qui s’inscrit dans l’opération plus large de transmission en ligne soumise, elle, au droit
exclusif60. L’absence de « signification économique indépendante » justifie également
l’exclusion du champ du droit exclusif des multiples reproductions techniques temporaires,
réalisées par les opérateurs de réseaux. Ceux-ci sont essentiellement des fournisseurs d’accès
qui acheminent les œuvres vers les terminaux des usagers61.
Un autre exemple d’acte économiquement neutre concerne le stockage éphémère où
les intervenants pourraient être exemptés du paiement de droits d’auteur et de droits voisins.
C’est le cas des exploitations numériques, qui exigent le téléchargement d’une œuvre
numérisée avant la transmission numérique aux fins de copie ou de visionnage sur le micro-
ordinateur de l’utilisateur. La Commission, dans l’exposé des motifs de la Proposition de
Directive sur la société de l’information, a considéré que cette phase de stockage ne
constituerait qu’un acte purement technique par rapport à l’exploitation finale et qui n’est pas
censé lui survivre62. Cette idée a favorisé l’adoption de l’exception des reproductions
provisoires. Mais, il ne faut pas exclure le fait que la reproduction provisoire n’est qu’une
opération intermédiaire qui s’effectue sans communication de l’œuvre au public.
2. L’absence de communication de l’œuvre au public.
Cette thèse s’inspire du considérant 33 et de l’art 5 § 1 de la directive. Monsieur Pierre-Yves
GAUTIER considère qu’ « il apparaît normal qu’une simple transmission par un
intermédiaire ne se trouve pas soumise au droit exclusif, car le processus est purement
technique et il n’ya pas d’acte de commercialisation publique »63.
La théorie de stockage intermédiaire est favorable à la compréhension de l’absence de
communication publique pendant la reproduction provisoire. Le stockage des œuvres sur
support numérique ou sur mémoire informatique n’est qu’une phase intermédiaire d’une
opération beaucoup plus vaste. Dans ce cas, seules les exploitations auxquelles cette phase de

60 J. PASSA, La directive du 22 mai 2001 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de
l’information
, La semaine juridique, Ed. Générale, n° 26 du 27 juin 2001, p.1267.
61 Idem.
62 C. NGUYEN DUC LONG, op. cit., p.275.
19

stockage peut mener devrait nécessiter une autorisation préalable ou une indemnité, c’est-à-
dire des reproductions sur support papier, soit la communication au public des œuvres
numérisées au moment de la consultation. Selon cette analyse, l’apport économique ou
financier de l’outil de stockage ne réside, ni dans la numérisation préalable des données, ni
dans le stockage proprement dit, mais dans le fait de permettre des consultations ou
reproductions ultérieures des œuvres numérisées64.
L’exception obligatoire au droit de reproduction, qui est destinée à autoriser l’acte de
reproduction provisoire, apparaît nécessaire pour les opérateurs de réseau. Cette dérogation
est encadrée par la licéité de l’utilisation de l’œuvre et son absence de « signification
économique indépendante ». Néanmoins, l’exception de l’article 5§1 suscite des incertitudes
quant à ses contours.
.
SECTION 2 : L’INCERTITUDE DES CONTOURS DE L’EXCEPTION
OBLIGATOIRE
La portée exacte de l’exception obligatoire relative aux actes de reproduction
provisoire, transitoire ou accessoire est difficile à apprécier. La difficulté de qualification de
ces derniers réside dans leur multiplicité. Si les copies volatiles ne posent aucun problème
pour les auteurs, ceux-ci sont par ailleurs très hostiles quant aux copies temporaires. Ceci
s’explique par le fait qu’une reproduction temporaire qui est destinée uniquement à la
transmission sur Internet peut bien engendrer une modification ou une exploitation non
autorisée. Le concept de temporaire implique bien une durée, contrairement aux copies
volatiles. Dans ces circonstances, une double incertitude se révèle non seulement dans la
délimitation du champ d’application de l’exception (§1), mais également dans l’imprécision
de certaines expressions (§2). Il s’agit de la notion de «signification économique

63 P. Y. GAUTIER, De la transposition des exception à propos de la directive « droit d’auteur dans la société de
l’information,
Communication – Commerce électronique, Ed du Juris-classeur novembre 2001, p.10.
64 C. NGUYEN DUC LONG, op. cit, p.269.
20

indépendante » et celle d ‘ « utilisation licite ». Ces deux notions, malgré les explications
données par le considérant 3365, manquent de clarté.
.
§ 1 – L’incertitude quant au champ d’application de l’exception obligatoire.
Les copies provisoires étant très nombreuses dans le cadre du réseau Internet, le
législateur communautaire n’a pas pu définir leur objet. Les termes employés dans l’art 5§1
laissent subsister un certain flou. En effet, le considérant 33 de la directive66mentionne la
notion de survol pour qualifier les actes de reproduction provisoire.

Une confusion semble apparaître entre ce qui relève à proprement parler de
reproduction stockage et ce qui constitue un acte de consultation (survol). Il serait difficile de
distinguer les actes de reproduction provisoires ayant une « signification économique
indépendante » de ceux qui n’en ont pas. L’ inconvénient de ce manque de clarté étant que
chaque Etat pourra se permettre d’interpréter l’exception à sa guise. A la lecture de l’art 5§1,
on est confronté à des difficultés d’appréciation de sa portée (A) dues à l’imprécision de son
domaine d’application qui engendre des conséquences négatives pour les titulaires de droits
(B).
A - Les difficultés d’appréciation de l’exception.
Outre le fait que le texte même de l’exception obligatoire précise de manière incertaine
la nature des actes qui doivent échapper au droit exclusif, les reproductions dites provisoires
sont indéfinies (1). Ceci qui n’est qu’une conséquence logique de la non détermination du
domaine de l’exception (2).

65 Selon le considérant 33 de la directive droit d’auteur et société de l’information, « …Les actes de reproduction
concernés ne devraient avoir par eux-mêmes aucune valeur économique propre (…) Une utilisation est réputée
être licite lorsqu’elle est autorisée par le titulaire du droit ou n’est pas limité par la loi. »
66 Le considérant 33 dispose que : « le droit exclusif de reproduction doit faire l’objet d’une exception destinée
à autoriser certains actes de reproduction provisoires, qui sont transitoires ou accessoires, qui font partie
intégrante et essentielle d’un processus technique (…) Cette exception couvre les actes qui permettent le survol
(browsing), ainsi que les actes de prélecture dans un support rapide (caching)… »
21

1 - Manque de définition des reproductions dites provisoires.
L’article 5§1 prévoit que les Etats membres doivent faire échapper au droit exclusif
« les actes de reproduction qui sont transitoires ou accessoires et constituent une partie
intégrante et essentielle d’un procédé technique …» Cette formulation est sans délimitation
légitime, car elle englobe : toutes les reproductions éphémères ou accessoires. Or, le caractère
réellement éphémère de la reproduction est difficile à contrôler67. Un doute subsiste ainsi
quant aux enregistrements éphémères qui pourront être justifiés suivant le critère d’absence de
« signification économique indépendante » prévue par l’exception.
La reproduction provisoire, transitoire ou accessoire ne faisant l’objet d’aucune
définition, l’unique fondement de cette exception sera basé sur l’absence de préjudice
économique. Ce qui est bien dommage, parce qu’il risquerait d’avoir débat entre les
opérateurs de réseaux et les titulaires de droit, sur l’absence ou non de « signification
économique indépendante » des actes de survol et de prélecture dans un support rapide.
En plus des incertitudes quant à la définition de l’exception de l’art 5§1, on constate
que les titulaires de droit d’auteur et droits voisins pourront être confrontés à un problème de
preuve. S’ils prétendent que les conditions de l’exception ne sont pas remplies, il faudrait
qu’ils établissent que la reproduction a eu une durée plus que temporaire et qu’elle a une
« signification économique indépendante »68.
2. Imprécision des critères de la copie technique.
Le domaine de l’exception à la reproduction technique n’est pas précisé dans la
directive sur le droit d’auteur. Ce manquement a fait l’objet de discussions nourries69. Le
Conseil d’Etat s’est prononcé sur la question en faisant remarquer que : « les critères de la
copie technique retenus dans la proposition de directive communautaire du droit d’auteur

67 A. LUCAS, Droit d’auteur et numérique, Litec 1998, p.128. v. également P. MARTIN – LALANDE,
L’Internet : un vrai défi pour la France, rapport du Premier Ministre, 1997, p.69.
68 J. MYARD, Le droit d’auteur et les droits voisins dans l’environnement numérique ; agir contre le piratage,
Rapport déposé par la Délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne, 1998, p.32.
69 v. par exemple le Rapport sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur
l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information,
Assemblée Nationale, document n° 1401, 17 février 1999, p19 et s. – C. CARON, La nouvelle directive du 9
avril 2001, v. supra note 10, p.23.
22

paraissent imprécis et peu opérants »70. Les dispositions de l’art 5§1 qui excluent du
monopole de l’auteur les actes de reproduction provisoires ne font aucune distinction entre la
copie volatile et celle qui est temporaire71. Ce qui est extrêmement dangereux et suscite des
craintes pour les auteurs, surtout à propos des copies temporaires dont la durée de vie n’est
pas toujours limitée à celle de la transmission.
Pour cette raison, le GESAC72 (Groupement Européen des Sociétés d’Auteurs et
Compositeurs) est totalement hostile à l’exception obligatoire. Il suggère que l’exonération de
droits ne soit applicable qu’aux copies qualifiées de volatiles et non aux copies temporaires
ou provisoires qui impliquent une certaine durée73. La licéité de la copie technique volatile
provient du fait que son existence n’excède en aucun cas la durée de la transmission.
Pour mieux encadrer le champ de cette exception, les Etats membres devront non
seulement tenir compte du fait que la copie est temporaire ou volatile, mais également
préciser également la frontière entre le licite et l’illicite. Ceci qui risquerait de comporter des
risques quant on sait que les interprétations divergentes de l’exception remettront en cause
l’harmonisation recherchée à travers la directive. L’inconvénient qui en résulte est
l’exploitation des œuvres qui auraient pu requérir l’autorisation des auteurs ou une indemnité.
B - Les conséquences de l’imprécision du domaine de l’exception.
L’incertitude des contours de l’art 5§1 a deux conséquences majeures. Nous avons
d’une part le problème d’interprétations par les Etats membres (1), et d’autre part le risque
d’atteinte au droit d’auteur (2).

70 G. de BROGLIE, Le droit d’auteur et l’Internet, v. supra note …p.40.
71 V. art 5§1 de la directive « Les actes de reproduction provisoires (…) qui font partie intégrante d’un procédé
technique ayant pour unique finalité de permettre une utilisation d’une œuvre ou d’un objet protégé, qui n’ont
pas de signification économique indépendante ».

72 Le GESAC regroupe en son sein les plus importantes sociétés d’auteurs d’œuvres musicales graphiques,
plastiques, littéraires, dramatique et audiovisuelles de l’Union européenne. Il s’est prononcé pour le maintien
d’un droit d’auteur protecteur, l’auteur ayant un rôle essentiel dans le processus de création et de diffusion des
biens culturels et le droit d’auteur étant son seul revenu.
73 J. MYARD, Le droit d’auteur et les droits voisins dans l’environnement numérique, v. supra note…p.32.
23

1 - Le problème d’interprétations divergentes de l’exception par les Etats membres.
Chaque pays ayant sa manière d’apprécier et d’interpréter ses normes juridiques en
fonction des contentieux qui lui sont soumises, on comprend mal comment on pourrait avoir
une harmonisation des législations nationales en matière de droit d’auteur. C’est ainsi que
certains Etats pourront faire bénéficier l’exception aux sites miroirs crées de manière
anarchique sur Internet, alors que ceux-ci ont bien une valeur économique.
Le Conseil d’Etat en France a préconisé de faire une distinction entre les reproductions
« techniques volatiles » et celles « temporaires », pour circonscrire le champs d’application de
l’exception de l’article 5§ 1 de la directive droit d’auteur. Les copies techniques volatiles sont
celles « faisant partie intégrante d’un procédé technique ayant pour unique finalité de
permettre l’utilisation en ligne d’une œuvre ou d’un autre objet protégé et dont l’existence
n’excède pas la durée de la transmission ». On peut citer les ordinateurs de routage De la
mémoire vive de l’ordinateur des utilisateurs, sans possibilité de conservation après la
transmission. Par contre, les copies temporaires sont celles réalisées sur les caches des
fournisseurs d’accès dont l’existence ne doit pas excéder la durée autorisée par les ayants
droit, à travers les dispositifs techniques appropriés. Ces dernières donneraient lieu à une
rémunération forfaitaire similaire au droit à rémunération pour copie privée, au profit des
titulaires de droits, perçue sur les abonnements des fournisseurs d’accès74.
La conception française étant très stricte en ce qui concerne le droit de reproduction et
ses exceptions, elle risquerait d’engendrer une interprétation très restrictive de l’exception de
la copie technique75. Dans le même temps, la souplesse de certaines juridictions étrangères
pourra laisser le champ libre aux utilisateurs d’œuvres numérisées, favorisant par ce fait la
violation des droits d’auteurs.
2 - Risque d’atteinte au droit d’auteur.
La liberté laissée aux Etats membres à propos de la détermination du domaine
d’application de l’exception obligatoire risquerait de restreindre le monopole de reproduction

74 C. NGUYEN DUC LONG, Les conséquences juridiques de la numérisation des œuvres de l’esprit, v. supra
note … p.273.
75 V. l’adage « Exceptio est strictissimae interpretionis : H. ROLAND et L.BOYER, Adages du droit français,
Litec, 4e Ed.1999, n° 125.
24

qu’à l’auteur sur ses œuvres. Cette dérogation ne doit donc pas servir de prétexte à certaines
utilisations qui auraient une conséquence économique, en entraînant un manque à gagner. De
ce fait, « si l’exception devrait autoriser les caches effectués par un prestataire technique
français, comme l’encourage le 33e considérant, elle pourrait perturber la rémunération de
l’auteur étranger, par exemple américain, si cette dernière est assise sur le nombre de
consultations du site américain »76.
L’article 5§1 subordonne l’exception obligatoire aux actes de reproduction transitoires
et accessoires qui font partie intégrante d’un procédé technique, à condition que l’acte n’ait
pas de signification économique. Or, le « caching », opération de stockage intermédiaire
réalisée dans le but d’accélérer les transmissions d’informations sur les réseaux, peut tout à
fait revêtir une dimension économique. Il permet d’optimiser les capacités de transmission, ce
qui constitue un avantage concurrentiel. En plus, il est susceptible de modifier les modes de
comptage des pages visitées, court-circuitant les possibilités de perception proportionnelle des
droits77. Il faudrait également exclure du champ d’application de l’exception obligatoire, les
copies de type « site miroir »78 qui n’ont pas pour objet la transmission des œuvres au sens de
la directive. Ces copies pouvant entraîner la modification du contenu des œuvres.
Nonobstant les risques d’atteinte au droit d’auteur, les fournisseurs d’accès sont
convaincus de l’utilité du « caching ». Pourtant, sans lui, la transmission et la visualisation de
l’œuvre sont toujours possibles, même si elles sont moins rapides79. Il est alors nécessaire et
urgent pour tout fournisseur de service en ligne de chercher à obtenir l’autorisation de l’auteur
pour les caches qui ne sont en aucun cas neutres. Le manque de précision de la portée de
l’exception obligatoire constitue un frein pour les auteurs qui ne pourront prétendre que les
conditions de bénéfice de l’exception ne sont pas remplies.
§ 2 - L’incertitude quant à l’imprécision de certaines expressions.

76 C. CARON, op. Cit.,p.23.
77 V. L. BENABOU, La directive droit d’auteur, droits voisins et société de l’information : valse à trois temps
avec l’acquis communautaire,
Ed du Juris-classeur, Communication – Commerce électronique, octobre 2001,
p.11
78 Les copies (site miroir) consistent par exemple en la reproduction de tout un site afin de le transférer d’un
continent à un autre.
25

Les critères d’exonération des prestataires techniques prévus à l’article 5§1 de la
directive sur le droit d’auteur sont « extrêmement flous »80. Le texte prévoit que doivent
échapper au droit exclusif les actes de reproduction . Or, la fixation d’une œuvre a toujours
pour finalité de permettre son utilisation. On peut donc craindre que les expressions « absence
de signification économique indépendante » et « utilisation licite » contenues dans les
dispositions de l’article 5§1 ne justifient les reproductions temporaires logiquement exclues
du bénéfice de l’exception (A). Néanmoins, le « test des trois étapes » de l’article 5§5 qui
s’applique à toutes les exceptions prévues par la directive pourra permettre de contrôler les
actes de reproduction et de n’admettre que ceux qui sont suffisamment spécifiques et neutres
pour les titulaires de droits (B).
A - Les principales expressions concernées.
Les expressions qui suscitent les interrogations sont celles « d’utilisation licite » (1) et
de « signification économique indépendante »(2).
1 - La notion d’ « utilisation licite ».
D’après le considérant 33 de la directive droit d’auteur, « une utilisation est réputée
licite lorsqu’elle est autorisée par le titulaire du droit et n’est pas limitée par la loi ». Malgré
cette définition, la frontière entre le licite et l’illicite sera difficile à préciser dans un domaine
aussi mouvant81 qu’est la reproduction des œuvres numérisées. A cet égard, Monsieur Loïc
BODSON se demande bien quelle est l’utilité d’ajouter que l’utilisation doit être licite. Il
suggère dans le même temps qu’il est opportun de décider que dès lors qu’une utilisation est
autorisée par l’auteur ou par la loi, les actes de reproduction transitoires ou accessoires qui en
découlent sont automatiquement exemptés du droit de reproduction82.
De plus, afin de permettre à l’utilisateur d’effectuer les reproductions provisoires en
toute simplicité et en toute sécurité, un autre auteur propose de se calquer sur la
réglementation des copies provisoires des directives sur les programmes d’ordinateur et les
bases de données. Ce qui impliquerait l’exonération de tous les actes d’utilisation et d’accès

79 S. DUSSOLIER, op. Cit., p.37.
80 A. LUCAS, Droit d’auteur et numérique, Litec 1998, p.128.
81 C. CARON, op. Cit., p.23.
82 L. BODSON, op. Cit., p.65.
26

incidents à une mise à disposition légitime83. Toutes ces opinions pourront être prises en
compte pour faciliter l’appréciation de la notion d’utilisation licite.
2 - La notion de « signification économique indépendante ».
Cette expression, tout comme celle de l’ « utilisation licite », manque de précision. Le
considérant 33 dit que les actes de reproduction concernés ne devraient avoir par eux même
aucune valeur économique propre. Ceci est logique, car les copies réalisées pour la
transmission des œuvres est uniquement technique. Elles n’engendrent aucune exploitation.
Par conséquent, aucun préjudice économique ne peut en résulter.
Cependant, France Télécom84 considère que la rédaction de l’exception est ambiguë et
souhaite que l’expression « signification économique indépendante » soit supprimée. Celle-ci
rend l’exception inapplicable dans la mesure où, si l’objet des copies éphémères est bien la
transmission sur Internet, cette transmission représente, en soi, une valeur économique85. On
assiste à une opposition se fonde principalement sur l’idée selon laquelle l’utilisation de
l’œuvre devrait requérir une autorisation de son titulaire dans le cadre des relations
contractuelles. Le manque de clarté de cette expression amène à se demander si
l’indépendance doit être relative à la signification économique de l’utilisation au profit de
laquelle la copie provisoire intervient.
Dans tous les cas, le législateur communautaire a prévu, à l’article 5§5 de la directive,
un test du préjudice économique que peut subir le titulaire des droits. Cette disposition pourra
permettre de distinguer les reproductions licites de ceux qui sont illicites.
B - Le « test des trois étapes » ou « triple test ».

83 S. DUSSOLIER, op. cit. , p.38.
84 France Télécom est l’opérateur public français de télécommunication qui entend être un acteur majeur de la
société de l’information. Pour lui, la question des droits d’auteur est considérée comme primordiale dans la
mesure où ces droits protègent les produits et services nécessaires à la concrétisation de la société de
l’information.
27

Toutes les exceptions contenues dans la directive doivent satisfaire à l’article 5§5 de la
directive sur le droit d’auteur qui est considéré comme un garde fou. Cet article prévoit que
« les exceptions et limitations prévues aux paragraphes 1,2,3 et 4 ne sont applicables que
dans certains cas spéciaux qui ne portent pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ou
d’un autre objet protégé, ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du
titulaire du droit ». La formule est une reprise de l’art 9§2 de la Convention de Berne86, mais
aussi de l’article 13 de l’accord ADPIC87 et de l’ article 10 du traité OMPI88 sur le droit
d’auteur.
Selon l’article 5§5, pour que chaque exception aux droits exclusifs soit admise, il faut :
- que ce soit dans « certains cas spéciaux » c’est-à-dire qu’elle figure dans un texte
spécial, étant entendu que sa cause doit être légitime,
- Que ce soit fait sans « porter atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre », donc
qu’il n’y ait pas de parasitisme commercial,
- Que cela ne cause pas un « préjudice injustifié » à l’auteur et aux titulaires de
droits voisins, par conséquent il devra procéder à l’évaluation du coût économique
de l’exception89.

Le considérant 44 prévoit les conditions que les exceptions doivent satisfaire. Quant à
l’exception aux reproductions provisoires, il y a lieu de tenir compte de l’incidence accrue que
celle-ci est susceptible d’avoir dans le nouvel environnement électronique. Ce qui suppose
que, si l’exception affecte le marché potentiel de l’œuvre, elle ne pourra pas être admise.
On remarque aussi que la directive droit d’auteur transpose le « test des trois étapes »
des traités OMPI de manière tout à fait particulière. Elle fait de ce « test » un examen à
réaliser lors de l’application par le juge des exceptions légales. Ce qui est contraire à l’esprit
des traités OMPI qui l’imposent aux Etats lorsqu’ils insèrent dans leur législation des
exceptions aux droits d’auteur. Le « test des trois étapes » devient un test conditionnant
l’application des exceptions légales, ce qui va assurément plus loin que le texte du traité. Ce
que l’OMPI considére comme un guide pour le législateur dans l’instauration des exceptions

85 J.Myard, op.cit.,p.32.
86 Convention de berne, v. supra note…
87 Accord ADPIC, v. supra note….
88 Traité OMPI, v. supra note…
28

aux droits de l’auteur devient, dans le texte européen, des réserves supplémentaires
conditionnant l’application, par le juge, d’exceptions existantes90.
Nous pouvons alors affirmer que, l’incertitude des contours de l’exception obligatoire
pourra être palliée par le « triple test » de l’art 5§5. D’ailleurs, depuis la Convention de
Berne, cette règle apparaît comme une sorte de principe général d’interprétation du droit
d’auteur international et européen.
Bien que l’exception obligatoire pour copies techniques ne soit pas envisagée de
manière claire et précise dans la directive, nous ne manquerons pas d’apprécier l’introduction
d’une telle dérogation, qui restait encore inédite en droit d’auteur. L’obligation de
transposition fait d’elle une exception d’ordre public, ce qui concernerait alors les rapports
entre les Etats membres et la Communauté Européenne. Il est clair que l’exception de
reproduction provisoire permet une meilleure transmission des œuvres numérisées par les
fournisseurs d’accès.
En plus de l’unique exception obligatoire, la directive contient d’autres exceptions au
droit de reproduction de l’auteur. Il s’agit d’une liste exhaustive et facultative des exceptions
et limitations au droit de reproduction et au droit de communication au public.

89 P. Y. GAUTIER, De la transposition des exceptions : à propos de la directive « droit d’auteur dans la société
de l’information
», Communication - Commerce électronique, Ed du Juris-classeur, novembre 2001, p.12.
90 M. BUYDENS et S. DUSSOLIER, Les exceptions au droit d’auteur dans l’environnement numérique :
évolutions dangereuses,
Communication – Commerce électronique, Ed du Juris-classeur, septembre 2001, p.12.
29

Chapitre 2 : LA MULTIPLICITE D’EXCEPTIONS FACULTATIVES AU DROIT DE
REPRODUCTION ET DE COMMUNICATION AU PUBLIC.

Après avoir consacré l’exception unique relative aux actes de reproduction provisoires,
la directive droit d’auteur a prévu une longue liste d’exceptions et limitations au droit de
reproduction et de communication au public. En effet, alors que la proposition initiale de la
Commission européenne de décembre 199791 prévoyait neuf exceptions, l’article 5 de la
directive contient une exception obligatoire et vingt exceptions facultatives. Parmi ces
dernières, certaines (cinq) sont des exceptions ou limitations au droit de reproduction,
d’autres (quinze) sont des exceptions ou limitations au droit de reproduction et de
communication au public. Ceci est la conséquence de longues discussions auxquelles ont
donné lieu la détermination des exceptions aux droits exclusifs de l’auteur. Celles-ci sont, en
quelque sorte, l’addition des différentes traditions juridiques qui se côtoient dans l’Union
européenne92. Le caractère facultatif de ces exceptions signifie que les Etats membres sont
libres de les transposer. Dans ces conditions, on peut se demander si cette liberté ne risque de
paralyser l’harmonisation du droit d’auteur dans la société de l’information.
Il s’agira pour nous d’analyser la liste limitative d’exceptions facultatives (Section 1),
avant de voir l’incompatibilité entre ces dernières et l’objectif d’harmonisation du droit
d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (Section 2).
Section 1 : LA LISTE LIMITATIVE D’EXCEPTIONS FACULTATIVES.
La liste des exceptions à la règle de l’autorisation préalable de reproduction est
exhaustive. Par conséquent, les Etats membres ne seront pas autorisés à en élargir le champ.
Selon le considérant 33, « La présente directive contient une liste exhaustive des exceptions et
limitations ». Il faut en déduire qu’il existe un « numerus clausus » : les Etats ne peuvent
prévoir des exceptions qui ne seraient pas mentionnées dans l’article 5 de la directive, qui doit

91 Com (97) 628 du 10 décembre 1997 publiée au JOCE 108 du 7 avril 1998, p.6.
92 C. DESPRINGRE, op. cit , p.140.
30

sa longueur à cette règle93. Par exemple, certaines exceptions telles que celles relatives à la
représentation dans le cercle de famille et à l’analyse, contenues dans l’article L122.5 du
Code de la Propriété Intellectuelle ne pourront pas être maintenues.
Il est évident que la transposition de la directive permettra de consacrer de nouvelles
exceptions en droit français, notamment celles en faveur de l’enseignement, de la recherche et
de l’accès à l’information dans les bibliothèques. D’ailleurs, on assistera à des modifications
d’exceptions dans tous les Etats membres, soit par des suppressions, soit par des adjonctions.
Dans la liste étonnante d’exceptions facultatives, il faut distinguer celles prévues au titre du
droit de reproduction (§ 1) de celles relatives au droit de reproduction et de communication au
public (§2).
§ 1 : Les exceptions propres au droit de reproduction.
Les exceptions spécifiques au droit de reproduction de l’article 5.2 visent la
reprographie, la copie privée, les actes de reproduction des bibliothèques, des établissements
d’enseignement, des musées et des archives, les enregistrements éphémères effectués par des
organismes de radiodiffusion pour les besoins de leurs reproductions… De toutes ces
exceptions, celle qui attire le plus notre attention est la copie privée (A). Cependant, les autres
non plus ne manquent pas d’intérêt pour la société de l’information (B).
A - L’exception de copie privée.
Cette dérogation prévue par la directive à l’article 5.2.b concerne les reproductions à
usage privé. Le texte dispose que les Etats membres ont la faculté de prévoir une exception ou
limitation au droit de reproduction « lorsqu’il s’agit de reproductions effectuées sur tout
support par une personne physique pour un usage privé et à des fins non directement ou
indirectement commerciales », sous réserve de prévoir une rémunération équitable. On
constate que la directive ne fait pas de distinction entre la copie privée numérique et la copie

93 La directive sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information. Bilan et perspectives,
Colloque organisé par l’IRPI (Institut de recherche en propriété intellectuelle Henri DESBOIS) et l’AFPIDA
(Association française pour la protection internationale du droit d’auteur) à la chambre de commerce et
d’industrie de Paris le 25 octobre 2001, Propriété Intellectuelle, janvier 2002 / n° 2 , p.27.
31

privée analogique94. En effet, elle autorise la reproduction sur support analogique ou
numérique à la condition d’un usage privé et strictement personnel.
Nous allons étudier d’abord la notion de copie privée (1), avant de voir la
compensation équitable (2) qui s’applique à la copie privée, la reprographie (article 5.2.a) et
la reproduction d’émissions destinées à êtres vues ou écoutées dans certaines institutions
sociales telles que les hôpitaux et les prisons (article 5.2,e).
1. La notion de copie privée.
La copie privée peut être définie globalement comme une reproduction à des fins
personnelles. Cette exception est traditionnellement justifiée par le fait qu’elle ne cause pas
aux ayants droit un réel manque à gagner. De plus, elles sont incontrôlables et il n’y a aucun
risque d’atteinte à la vie privée95. Un survol des législations des différents Etats membres de
l’Union européenne nous apprend que 11 Etats font une place à l’exception de copie privée,
mais que 3 ne la connaissent pas - le Royaume-Uni, l’Irlande et le Luxembourg - . Par contre,
le Danemark n’autorise pas le jeu de cette exception pour la copie numérique96. En droit
français, l’article L.122.5 du Code de la Propriété Intellectuelle soustrait au monopole de
l’auteur « les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste ».
Selon cette disposition, le critère adéquat de l’exception de copie privée devrait rester l’usage
individuel et domestique de la part du copiste, agissant au fond comme un consommateur97.
Dans le même sens, la Grèce prévoit la reproduction à des fins privées, mais non collectives.
La législation norvégienne permet la copie privée dès lors qu’aucun but commercial n’est
poursuivi. Les droits allemand, belge et portugais font également une place à l’exception de
copie privée98.
L’exception de la directive relative au bénéfice des reproductions effectuées « par une
personne physique pour un usage privé » a un domaine d’application plus large que celui de
l’exception du droit français actuel. Là où celle-ci ne couvre que les reproductions strictement

94 Y. GAUBIAC et J. GINSBURG, L’avenir de la copie privée numérique en Europe, Communication –
Commerce Electronique, janvier 2000, P.9.
95 J. PASSA, op. cit., p.1266.
96 L. BOCHURBERG et S. LEFORT, op. cit., p. 12.
97 P. Y. GAUTIER, op. cit., p.12.
98 L. BOCHURBERG, op. cit., p.22.
32

réservées à l’usage privé du copiste, l’exception de la directive semble admettre les
reproductions effectuées par une personne physique pour l’usage d’une autre personne
physique99. Ce sont les implications de l’échec des initiatives prises lors des débats sur
l’adoption du contenu de la copie privée, en vue de limiter strictement la notion d’usage privé
au seul usage du copiste100. La directive laisse aux Etats une grande marge de manœuvre. Ils
ne sont pas obligés d’assurer un exercice effectif de la copie privée -ils en ont seulement la
faculté-. La tradition juridique française refuse de voir dans cette exception un droit au profit
des utilisateurs et il est peu probable que cette faculté sera utilisée.
Toutefois, une chose est imposée aux Etats, c’est l’exclusion de la copie libre et
gratuite. Ceci signifie qu’ils peuvent choisir entre ne pas adopter l’exception ou autoriser la
copie privée moyennant compensation équitable. Par exemple, la France, qui maintiendra
l’exception, devra prévoir un mécanisme de rémunération équitable pour les reproductions
privées de tous les types d’œuvres et sur tous types de supports101.
2. La notion de compensation équitable.
Lorsque l’exception de copie privée est adoptée par un Etat membre, elle doit être
assortie d’un système de compensation équitable. C’est le cas aussi pour la reprographie
(article 5.2.a) et de la reproduction d’émissions faites par les hôpitaux ou les prisons ( article
5.2.e). Les titulaires de droits doivent donc recevoir une compensation, en conséquence d’un
manque à gagner dû aux exceptions en cause, d’où la précision du considérant 35 de la
directive aux termes duquel « les titulaires de droits doivent recevoir une compensation
équitable afin de s’indemniser de manière adéquate sur l’utilisation faite de leurs œuvres ou
autres objets protégés ». Le même considérant prévoit les modalités de calcul de cette
compensation équitable102. Cette notion est différente de la rémunération équitable que
connaît le système français.

99 J. PASSA , op. cit., p.1267.
100 Le débat avait essentiellement porté sur la notion d’usage privé dans le contexte particulier du développement
de services d’échanges de fichiers à grande échelle sur Internet (type Napster).
101 La précision tous types d’œuvres et tous types de supports vient du fait qu’en droit français, il existe un
mécanisme de rémunération équitable uniquement pour les copies privées sonores ou audiovisuelles sur cassette
ou support numérique.
102 Le considérant 35 précise que « lors de la détermination de la forme, des modalités et du niveau éventuel
d’une telle compensation équitable, il convient de tenir compte des circonstances propres à chaque cas. Pour
évaluer ces circonstances, un critère utile serait le préjudice potentiel subi par les titulaires de droits en raison
de l’acte en question. Dans le cas où les titulaires de droit auraient déjà reçu un paiement sous une autre forme,
par exemple en tant que partie d’une redevance de licence, un paiement spécifique ou séparé pourrait ne pas

33

Les Etats membres qui n’ont pas encore mis en place un mécanisme de compensation
(Royaume-Uni, Irlande et Luxembourg) sont tenus de le faire pour la copie privée, la
reprographie et les institutions sociales. Le considérant 36 prévoit la faculté pour les Etats de
l’imposer lors de la transposition d’exceptions pour lesquelles elle n’est pas exigée.
Cependant, il est possible dans certains cas que cette compensation ne soit pas exigée. C’est le
cas si la mise en œuvre de l’exception est assortie d’une rémunération équitable. Il ne s’agit
plus d’une exception, mais d’une sorte de licence obligatoire103. Cette solution devrait
concerner également les autres exceptions au droit de reproduction.
B - Les autres exceptions spécifiques au droit de reproduction.
Les autres exceptions au droit de reproduction visent la reprographie (1), les actes de
reproduction effectués par les bibliothèques, les établissements d’enseignement, les musées
les archives (2), les enregistrements éphémères effectués par les organismes de radiodiffusion
pour les besoins de leurs émissions (3) et les reproductions faites par les institutions sociales
(4).
1. L’exception de reprographie.
L’article 5-2,a) autorise les Etats membres à apporter une limitation au droit de
reproduction pour « les reproductions effectuées sur support papier ou sur support similaire au
moyen de toute technique photographique ou de tout autre procédé ayant des effets
similaires ». Cette exception n’est pas soumise à la nécessité d’un usage personnel. De ce fait,
elle n’est pas située dans le cadre de la copie privée, ouvrant alors peut être une porte vers le
photocopillage à usage collectif. Or, selon la jurisprudence française, la photocopie constitue
une contrefaçon dès lors qu’elle n’est pas destinée à l’usage privé du copiste104. L’exception
de la reprographie étant restreinte en droit français, on se demande bien si celui-ci transposera
la directive en la matière.

être dû. Le niveau de la compensation équitable doit prendre en compte le degré d’utilisation des mesures
techniques de protection prévues à la présente directive. Certains cas où le préjudice au titulaire du droit serait
minime pourraient ne pas donner naissance à une obligation de paiement
».
103 L. BOCHURBERG et S. LEFORT, op. cit., p.20.
104 A. BERTRAND, Le droit d’auteur et les droits voisins, Paris 1991, p.195. TGI Paris, 28 janvier 1974,
« CNRS c. A. COLIN », D.1974, 337, note H. DESBOIS ; Cass, 1ère ch. civ. 19 février 1975, D. 1975, 534 note
H. DESBOIS.
34

2. Les exceptions de reproduction effectuées par les bibliothèques, les établissements
d’enseignement, les musées et les archives.
Ces dérogations se retrouvent dans de très nombreuses législations des Etats membres.
L’article 5.2,c dispose que ces derniers peuvent prévoir des exceptions ou limitations au droit
de reproduction « lorsqu’il s’agit d’actes effectués par des bibliothèques accessibles au
public, des établissements d’enseignement ou des musées ou par des archives, qui ne
recherchent aucun avantage commercial ou économique, direct ou indirect ». Toutes ces
exceptions ne sont pas assorties d’une compensation équitable.
La faculté laissée aux Etats membres de prévoir de telles exceptions se retrouve dans
de nombreuses conventions internationales ainsi que dans de nombreux systèmes105.
Cependant, la France par exemple a toujours refusé d’introduire de telles dérogations, du fait
de la primauté qu’elle donne aux intérêts de l’auteur sur ceux du public106. Il est donc peu
envisageable que la France transpose des exceptions qu’elle se refuse toujours à intégrer dans
son ordre juridique interne.
3. L’exception de reproduction éphémère au profit des organismes de radiodiffusion.
Selon l’article 5-2,d) les Etats membres devront prendre, en cas de transposition, les
mesures appropriées pour que les organismes de radiodiffusion bénéficient de cette exception,
« lorsqu’il s’agit d’enregistrements éphémères d’œuvres effectuées par des organismes de
radiodiffusion par leurs propres moyens et pour leurs propres émissions ; la conservation de
ces enregistrements dans les archives officielles peut être autorisée en raison de leur valeur
documentaire exceptionnelle ».

105 L’article 10.2 de la convention de Berne de 1886 et l’article 15 de la Convention de Rome de 1961 permettent
à leurs Etats signataires de prévoir des exceptions similaires dans leur législation nationale. Les préambules des
deux traités OMPI de 1996 reconnaissent « la nécessité de maintenir un équilibre entre les droits des auteurs,
artistes-interprètes, producteurs de phonogrammes et l’intérêt public général, notamment en matière
d’enseignement, de recherche et d’accès à l’information
». Enfin, les systèmes de « fair use », soucieux de
garantir cet équilibre, mentionnent expressément cette exception. Aux Etats-Unis, l’article 107 al 1 du Copyright
Act de 1976 dispose que « la copie ou l’enregistrement d’une œuvre protégée à des fins (…) d’enseignement, de
formation ou de recherche ne constitue pas une contrefaçon »
.
106 A. et H. J. LUCAS, Traité de la propriété littéraire et artistique, Litec, 2e édition, 2001, n. 348 ; Rapport
Paul, Documentation – Assemblée nationale, n° 1401, 17 février 1999,p.20.

35

Actuellement, le droit français ne prévoit pas une telle exception. Les organismes de
radiodiffusion sont soumis à l’autorisation des auteurs et payent alors deux fois pour diffuser
les œuvres protégées107. La directive vise à pencher la balance des intérêts du côté des
organismes de radiodiffusion et non des auteurs. D’ailleurs, cette exception n’est pas soumise
à la condition de la compensation équitable.
4. – L’exception de reproductions faites par les institutions sociales.
Cette exception de l’article 5-2,e) concerne « la reproduction d’émissions faites par
les institutions sociales sans but lucratif, telles que les hôpitaux ou les prisons ». Sa
transposition ne semble pas évidente, bien qu’elle soit soumise à la condition que les titulaires
de droits reçoivent une compensation équitable. En effet, Monsieur André LUCAS déclare
que « cette exemption n’a jamais été reconnue en droit français et ne semble pas être à l’ordre
du jour »108.
Après avoir donné un aperçu des exceptions au droit de reproduction, il reste à
envisager les exceptions communes au droit de reproduction et de communication au public
qui sont les plus nombreuses.
§ 2 – Les exceptions communes au droit de reproduction et de communication au public.
Le paragraphe 3 de l’article 5 de la directive énumère 15 exceptions, toutes
facultatives, que les Etats peuvent adopter sans être contraint de mettre en place un système
de compensation équitable. Toutefois, le considérant 45 précise que les exceptions visées aux
paragraphes 2, 3, et 4 de l’article 5 ne doivent toutefois pas faire obstacle à la définition de
relations contractuelles visant à assurer une compensation équitable aux titulaires de droits
dans la mesure où la législation nationale le permet.
Les exceptions prévues au titre du droit de reproduction et de communication au
public concernent les exceptions à caractère public (A), les exceptions à caractère social (B) et

107 Le double paiement s’effectue d’une part, par le versement de la rémunération prévue par l’article L214.1 du
Code de la Propriété Intellectuelle en contrepartie de la licence légale imposée aux artistes interprètes et
producteurs de phonogrammes. D’autre part, les enregistrements.
108A. et H. J. LUCAS, Traité de la propriété littéraire et artistique, Litec, 2e édition, 2001, n° 348-1.
36

les exceptions existantes dans les législations nationales qui ne seraient pas repris à l’article 5
(C).
A - Les exceptions à caractère public.
On distingue dans cette catégorie une pluralité d’exceptions. En principe, elles visent
une série de situations allant du général au particulier.
1. La reproduction à des fins d’illustration, de citation, de presse et de recherche.
Nous regroupons sous ce titre les exceptions inscrites à l’article 5-2 a, c, d, et n, qui
ont pour point commun la légitimité de l’emprunt, l’obligation de mentionner le nom de
l’auteur de l’œuvre et de la source.
Pour l’utilisation à des fins exclusives d’illustration dans le cadre de l’enseignement et
de la recherche scientifique (article5-3, a), le législateur exige qu’elle soit justifiée par un but
non commercial109. L’exception est limitée quant à son ampleur et par l’interdiction de porter
préjudice à l’exploitation normale de l’œuvre prévue à l’article 5-5110. Cette idée est une
reprise du préambule des deux Traités de l’OMPI du 20 décembre 1996 qui affirme
expressément la nécessité de rechercher un équilibre entre les droits des auteurs des artistes
interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et l'intérêt public général
« notamment en matière d’enseignement, de recherche et d’accès à l’information ». L’article
5-2,n) exonère aussi l’utilisation, par communication ou mise à disposition, à des fins de
recherche ou d’études privées dans les établissements d’enseignement.
Sous condition de l’indication du nom de l’auteur et de la source, l’article 5-3, c) et d)
fait échapper au droit d’auteur les citations faites à des fins de critique ou de revue : « la
reproduction par la presse, la communication au public ou la mise à disposition d’articles
publiés sur des thèmes d’actualité à caractère économique, politique ou religieux ou d’œuvres
radiodiffusées ou d’autres objets protégés présentant le même caractère »

109 V. l’article 6.2 de la directive du 11 mars 1996 sur les bases de données.
110 Ainsi peut-on admettre qu’un enseignant copie pour ses élèves quelques pages d’un ouvrage, mais non qu’il
le copie entièrement.
37

2. Les utilisations à des fins de sécurité publique et de procédure.
Cette exception issue de l’article 5-3, e) est relative à « l’utilisation à des fins de
sécurité publique ou pour assurer le bon déroulement des procédures administratives,
parlementaires ou judiciaires ou pour assurer une couverture adéquate desdites
procédures ». C’est une exception qui existe déjà en droit français111. La seule modification
est de mentionner la nécessité pour l’auteur de mettre les bénéficiaires de l’exception en
mesure de l’exercer. La référence à la « sécurité publique » permet de voir qu’il s’agit d’une
exception d’ordre public.
3. L’utilisation de discours politiques ou officiels.
Les Etats membres sont autorisés à l’article 5-3, f) à prévoir des exceptions de
reproduction « de discours politiques ou d’œuvres ou d’objets protégés similaires, dans la
mesure justifiée par le but d’information poursuivi ». Cette exception est justifiée par
l’information due au public et s’insère dans un ensemble à caractère critique, scientifique et
juridique. Mais le recours à l’exception requiert le respect des droits moraux de l’auteur et
celui de son honneur et de sa réputation112. Le législateur précise bien qu’à moins que cela ne
s’avère impossible, la source et le nom de l’auteur doivent être indiqués.
4. L’utilisation d’œuvres architecturales ou de sculptures placées dans des lieux publics.
L’article 5-3,h) autorise «
l’utilisation d’œuvres telles que les réalisations
architecturales ou des sculptures placées en permanence dans des lieux publics ». Cette
exception remet en cause la jurisprudence française qui avait condamné la prise de vues de
sculptures113. Pierre Yves GAUTIER considère qu’une telle ouverture ne devrait pas
permettre pour autant les usages commerciaux et intéressés114. Dans le même sens, l’article 5-
3, m) permet l’utilisation d’une œuvre artistique constituée par un immeuble ou un dessin ou
un plan d’un immeuble aux fins de la reconstruction de cet immeuble.

111 Selon l’article 6 du Code Civil, « on ne peut déroger par des conventions particulières aux lois qui
intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs »
.
112 F. de VISSCHER et B. MICHAUD, Précis du droit d’auteur et des droits voisins, Bruxelles 2000.
113 Cass, 1er civ ; 4 juillet 1995, D.1996, jurisprudence p.4. note B. EDELMAN.
114 P. Y. GAUTIER, op. Cit., p.12.
38

5. L’utilisation d’œuvres pour les expositions publiques ou les ventes d’œuvres artistiques.
L’article 5-3, j) prévoit « l’utilisation visant à annoncer des expositions publiques ou
des ventes d’œuvres artistiques, dans la mesure nécessaire pour promouvoir l’événement en
question, à l’exclusion de toute autre utilisation commerciale ». Une fois encore, il y a une
remise en cause de la décision de la Cour de Cassation française qui avait condamné la
reproduction des œuvres dans les catalogues de commissaires-priseurs115. La loi du 10 juillet
2000 sur les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques qui restreint l’exception
aux seules ventes judiciaires devra être modifiée.
6. Les exceptions de caricature, parodie et pastiche.
Selon les dispositions de l’article 5-3, k), les Etats membres peuvent prévoir des
exceptions au droit de reproduction « à des fins de caricature, de parodie ou de pastiche ».
Celles-ci constituent des exemptions notables déjà prévues dans la plupart de législations
communautaire. Ces trois exceptions relèvent de l'imitation d'une œuvre et ont pour
fondement la liberté d’expression. Monsieur Claude COLOMBET estime que « la parodie
vise les œuvres musicales, le pastiche concerne les œuvres littéraires, la caricature a trait aux
œuvres d’art »116. Il s’agit en effet de faire rire au détriment d’une œuvre originale sans que le
public puisse confondre les deux œuvres, l’œuvre originale et l’œuvre pastichée, caricaturée
ou parodiée117. Ceci suppose par exemple que le but visé par le pasticheur doit être celui
d’amuser sans intention de nuire. Le public de son côté doit être à même de comprendre qu’il
a affaire à un pastiche, parodie ou caricature.

115 Assemblée plénière, 5 novembre 1993, JCP G 1994, II, 22201, note A. FRANCON- La condamnation se
justifie non point sur le technique de la citation, mais sur le but commercial poursuivi.
116 C. COLOMBET, Propriété littéraire et artistique et droits voisins, Paris 1994, p.172.
117 Y. MARCELLIN, Le droit français de la Propriété Intellectuelle, Paris 1999, p.48.
39

B - Les exceptions à caractère social.
Il s’agit des exception des articles 5-3, b) et 5-3, g). Elles concernent les utilisations au
bénéfice des handicapés (1) et des cérémonies religieuses ou officielles (2). Les deux
s’apparentent aux dispositions de l’article 5-2, e) qui exonère la reproduction d’émissions
faites par les institutions sociales sans but lucratif, à l’instar des hôpitaux et des prisons.
Cependant, la compensation équitable que la directive a prévue pour ceux-ci n’est pas
appliquée aux exceptions pour handicapés et cérémonies officielles.
1. Les utilisations en faveur des handicapés.
Aux termes de l’article 5.3,b, « les Etats peuvent prévoir des exceptions « lorsqu’il
s’agit d’utilisation au bénéfice de personnes affectées d’un handicap qui sont directement
liées au handicap en question et sont de nature non commercial, dans la mesure requise par
ledit handicap ». Ici encore, le législateur exclu toute reproduction ou communication à but
lucratif. Beaucoup attendent impatiemment la transposition d’une telle exception118, qui
viendra relever le moral des handicapés démunis, en leurs permettant d’exploiter certains
œuvres librement.
2. Les utilisations au cours des cérémonies religieuses ou officielles.
L’article 5.3, g) permet « l’utilisation au cours des cérémonies religieuses ou
cérémonies officielles organisées par une autorité publique ». Cette exception est favorable à
la culture et n’a pas besoin d’être transposée par les Etats membres. Pour ce qui est des
cérémonies officielles organisées par une autorité publique, l’exception apparaît comme
impérative, car elle est d’intérêt général pour le public.

118
Communiqué de presse du GESAC, 10 avril 2001, disponible sur le site
http ://www.sacem.org/internet/gesac/ : En multipliant « les possibilités d’exceptions au droit d’auteur, il (le
projet de directive) constitue une arme redoutable qui conduit d’ores et déjà certains groupes de pression à
demander l’application dans leur pays d’exceptions qui n’y sont actuellement pas prévues, au risque de remettre
en cause les équilibre existants
».
40

C - Les utilisations dans les cas de moindre importance.
C’est la dernière situation visée dans la longue liste d’exceptions facultatives. En effet,
l’article 5-3, 0) dispose que « lorsqu’il s’agit d’une utilisation dans certains autres cas de
moindre importance pour lesquels des exceptions ou limitations existent déjà dans la
législation nationale, pour autant que cela ne concerne que des utilisations analogiques et
n’affecte pas la libre circulation des marchandises et des services de la communauté, sans
préjudice des autres exceptions et limitations prévues au présent article ». Cette disposition
masque en réalité une clause de maintien des exceptions existantes dans les législations
nationales qui ne seraient pas repris à l’article 5, pour autant qu’ils ne concernent que les
utilisations analogiques.
L’exception est en contradiction avec le caractère soi-disant exhaustif de la liste, dans
la mesure où elle permet de couvrir des situations qui ne sont pas visées expressément par la
directive119. Nous pouvons affirmer que le caractère exhaustif ou non de ce texte ne pose pas
en soit un problème. Mais la faculté de transposition laissée aux Etats membres suscite des
inquiétudes, surtout quant on sait que l’objectif principal de la directive est l’harmonisation
des législations nationales.
Section 2 : L’INCOMPATIBILITE DES EXCEPTIONS FACULTATIVES
AVEC L’HARMONISATION.
La question des exceptions dépend de traditions culturelles et sociales, qui sont
différentes suivant les pays. C’est pourquoi un accord des Etats membres sur la liste limitative
d’exceptions obligatoires n’a pas pu être envisagé. La solution adoptée par la directive a été
celle de dresser une longue liste de vingt exceptions facultatives120 pour les Etats (article 5-2
et 3). Monsieur Michel VIVANT qualifie cette liste de « texte ouvert », parce que non
contraignante121. De même, la double terminologie « exception ou limitation » vient du fait
que la Commission n’ayant pas pu trancher avait proposé les deux mots aux législateurs
nationaux. Etant donné que ceux-ci pourront choisir d’appliquer les exceptions toutes ou en

119 C. DESPRINGRE, Directive européenne sur le droit d’auteur du 14 février 2001, v. supra note …p.141.
120 La directive le dit expressément et certains auteurs l’ont répété. Il s’agit de : Yves GAUTIER, Christophe
CARON, Frédéric POLLAUD DULIAN (ce dernier a même parlé de l’éventail extravagant.
121 M. VIVANT, op. cit., p.11.
41

partie, « la directive n’harmonise pas profondément le droit des Etats membres »122. Cette
grande latitude est évidemment incompatible avec l’objectif de l’harmonisation. Dès lors que
les Etats n’adopteront pas même exceptions, le but visé par la directive ne sera jamais atteint.
Par conséquent, les disparités dans les législations ne seront pas abolies et continueront à
entraver l’exploitation en réseau des œuvres et prestations couvertes par les droits d’auteur et
les droits voisins.
Afin de mieux comprendre ce qui peut freiner l’harmonisation, il convient d’examiner
d’une part l’excessive liberté laissée aux Etats membres (§1) et d’autre part les conséquences
du caractère facultatif des exceptions (§2).
§1 : L’excessive liberté laissée aux Etats membres.
Les articles 5-2 et 5-3 de la directive disposent que « les Etats membres ont la faculté
de prévoir des exceptions ou limitations aux droits prévus aux articles 2 et 3 ». Ce qui signifie
que l’application des exceptions aussi importantes, à l’instar de la copie privée numérique ne
sont pas obligatoires. La directive a ainsi laissé à chaque Etat la liberté de transposer ou non
les exceptions énumérées à l’article 5 (A). L’inconvénient majeur est la liberté de
rémunération ou de compensation équitable (B).
A - La liberté de transposition des exceptions.
Parmi la vingtaine d’exceptions retenues, il n’y a qu’une dont la transposition est
obligatoire. Pour la plupart, les Etats membres sont libres de les adopter. Ce caractère
facultatif peut être interprété de deux façon, suivant la législation française.

Dans une première approche, le législateur aurait la possibilité de choisir dans le
catalogue proposé par l’article 5 de la directive les exceptions, tout en les reformulant à la
manière française. En outre, toutes les exceptions déjà contenues dans l’article L122-5 du
Code de la propriété intellectuelle seront uniquement transformées. D’où les Français
pourraient affirmer qu’il n’y a aucune nécessité de procéder à une transposition. Il en découle
que les exceptions françaises ne seraient pas similaires, mais globalement équivalentes à
celles prévues dans la directive. Cette conception pourrait se fonder sur une théorie de

122 A. STROWEL et E. DERCLAYE, Droit d’auteur et numérique : logiciel, bases de données, multimédia –
Droit belge, européen et comparé, Bruyland – Bruxelles 2001.
42

l’harmonie préétablie qui dispense l’Etat membre de transposer la règle qui existe déjà dans sa
législation123.
Dans une seconde approche, le législateur français aurait la possibilité de choisir ses
exceptions, à condition de les transposer exactement telles qu’elles figurent dans la directive.
Les exceptions du Code de la propriété intellectuelle antérieures à la directive se trouveraient
modifier par cette transposition qui est conforme à la finalité du texte124. Du moment où la
transposition est facultative, les exceptions, les exceptions choisies par les Etats ne seront pas
les mêmes.
Cependant, il est intéressant de constater que, si les Etats sont libres de transposer la
plupart des exceptions, ils devront néanmoins intégrer dans leur droit la méthode inspirée de
l’article 9-2 de la Convention de Berne. Cette disposition restreint l’utilisation des exceptions
à certaines conditions. Jusqu’ici, le droit français ne le connaît que pour les logiciels dans
l’article L122-6,1) du Code de la propriété intellectuelle125. Selon l’article 5-5, les exceptions
ne sont appliquées que si elles ne sont pas formulées en termes très généraux, et ne sont pas
l’occasion d’atteintes graves aux intérêts économiques des ayants droit. Malgré ce « test », il
peut arriver que le problème de compensation équitable persiste.
B - La liberté de compensation équitable.
Ce mécanisme a été proposé à l’origine par le parlement européen et repris par la
Commission dans la proposition de la directive modifiée. De toute la pluralité d’exceptions
prévues, la compensation équitable ne s’applique qu’à trois à savoir, la reprographie, la copie
privée et la copie d’émissions réalisées par les institutions sociales. Le paragraphe 3 de
l’article 5 énumère quinze exceptions communes aux droits de reproduction et de
communication au public, que les Etats peuvent adopter sans être contraints de mettre en
place un système de compensation équitable126. On se demande bien comment certaines
exceptions qui peuvent bien engendrer un manque à gagner pour les titulaires de droits sont

123 Propriétés Intellectuelles, La directive sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de
l’information : Bilan et perspective, op. cit., p.26.
124 Idem.
125 C. CARON, op. cit., p.23.
126 J. PASSA, op. Cit., p.13.
43

facultatives. C’est l’exemple des exceptions en faveur de la recherche scientifique (article 5-
3,a), les utilisations par communication ou mise à disposition à des fins d’études privées.
Il est accordé également aux Etats une latitude dans l’interprétation de la notion de
compensation équitable. Dans les cas mineurs surtout, il peut ne pas avoir d’obligation de
paiement. La forme précise de la rémunération sera choisie par les Etats membres en fonction
de leurs traditions et pratiques juridiques. Les taxes sur les services commerciaux de copie par
exemple, les ventes de cassettes vierges et les taxes sur les appareils d’enregistrement. Les
législateurs nationaux disposent aussi d’une liberté à propos de l’enregistrement de copies
privées de programmes de radio et de télévision destinés seulement à être écoutés ou
visionnés à un moment donné. Mais toutes ces libertés ne vont pas sans inconvénients.
§ 2 – Les conséquences du caractère facultatif des exceptions.
Certes on peut attendre la transposition d’une ou de plusieurs exceptions prévues à
l’article 5-2 et 3 de la directive. Mais, si un Etat décide de ne rien transposer, cela risque de
créer des difficultés au cas où les autres Etats membres en transposent tout ou partie. Cette
situation serait directement contraire aux objectifs d’assouplissement et d’harmonisation
recherchée par la Communauté européenne. A cet égard, les auteurs du texte ont peut-être
méconnu le fait que l’accumulation d’exceptions assortie de la dispense de transposition
obligatoire, est de nature à accroître les disparités législatives127. Celles-ci supposent
l’absence d’exceptions uniformes dans les législations nationales (A) qui entraîne la paralysie
de l’harmonisation (B)
A - L’absence d’exceptions uniformes dans les Etats membres.
Le considérant 32 de la directive précise bien que la liste d’exceptions facultatives
tient compte de la diversité des traditions juridiques des Etats membres. L’allongement de la
liste vient du fait que pendant les négociations, on a voulu faire plaisir à tous les Etats.
Monsieur Pierre SIRINELLI relève que « chaque Etat a fait en amont son plaidoyer pro
domo, chacun fera en aval son marché sur la liste. L’harmonisation n’est pas vraiment pour

127 P. Y. GAUTIER, op. Cit., p.11.
44

demain »128. Les Etats pourront se pencher comme ils l’entendent sur l’une ou l’autre
exception. Si l’un choisi l’exception en faveur des cérémonies religieuses, l’autre celle de la
recherche, un troisième celle des prisonniers, aucun lien n’est établi entre elles. A partir de
cette hypothèse, on comprend que la faculté laissée aux Etats peut favoriser des disparités
illimitées.
Bien évidemment, la liberté est parfois plus limpide, surtout à propos de la possibilité
pour les Etats, d’assortir sans contrainte certaines exceptions d’une compensation équitable.
L’exception se nove en limitation et devient une licence légale. Dans ce cas, il ne sera pas
exclu que, dans certaines législations nationales, on trouve des exceptions transformées en
limitations, tandis que d’autres les maintiennent en exception. Ce sont ces divergences qui
paralysent l’harmonisation.
B - La paralysie de l’harmonisation.
L’article 5 de la directive dispose que les Etats membres ont « la faculté de prévoir des
exceptions ou limitations » aux droits patrimoniaux. Mais force est de constater que cette
liberté freine l’harmonisation recherchée.129. De plus, l’utilisateur dispose d’un droit à copie
privée qui n’empêche pas pour autant la possibilité pour l’auteur de mettre en place des
dispositifs technique de limitation des copies. On peut penser que l’importance particulière
accordée aux exceptions est susceptible de conduire plutôt à une harmonisation minimale. Ce
qui est regrettable dans une telle situation, c’est la différence de traitement entre exceptions130.
Il semblerait que sous le couvert d’un droit du public à l’information, les ayants droit peuvent
être lésés économiquement, à la suite de la reconnaissance d’exceptions toujours plus
nombreuses et divergentes dans l’Union européenne.
La critique porte davantage sur les implications du système des exceptions retenues
par l’article 5. De l’aveu même des rédacteurs, « les disparités en ce domaine ont une
incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur (…) et les exceptions et
limitations doivent être définies de façon plus harmonieuse » (considérant 31). Le résultat

128 P. SIRINELLE, op. Cit., p.88.
129 A ce propos, X. BUFFET DELMAS D’ AUTANE et E. de NOBLET parlent d’un « échec de
l’harmonisation »

130 V. L. BENABOU, op. Cit., p.10.
45

n’est guère à la hauteur des espérances131. Mais il faut rendre hommage à la directive d’avoir
pu imposer une exception obligatoire au droit de reproduction pour les actes de reproduction
provisoires.
Partie 2.
Chapitre 1 : LA SOUMISSION DE CERTAINES REPRODUCTIONS PROVISOIRES
A L’AUTORISATION DES AUTEURS
La théorie de la reproduction éphémère ou accessoire ne permet pas l’exonération du
paiement des droits d’auteur et droits voisins pour des copies à caractère économique. Sur le
plan juridique, un ensemble d’arguments d’importance est favorable à l’autorisation des
auteurs pour les actes de reproduction provisoires. De toutes les façons, l’article 5.1 ne prévoit
rien en ce qui concerne la possibilité pour l’auteur d’empêcher ou de limiter contractuellement
son exercice. D’ailleurs, l’exception obligatoire n’est pas visée par l’article 6.4,1 132 qui
énumère sept exceptions dont l’exercice effectif doit être assuré à leurs bénéficiaires. Ainsi,
rien ne s’oppose à ce que l’auteur empêche techniquement son exercice.
Sur le plan économique, la condition de l’absence de « signification économique
indépendante » est incertaine et peut favoriser autant d’interprétations possibles. Le
considérant 33 de la directive droit d’auteur considère les actes de « browsing » et de
« caching » comme licites. Cette position est cependant très discutée, car si chacun semble
admettre la pertinence d’une exception au profit des copies éphémères ou volatiles133 à
l’exemple du (browsing), beaucoup tendent à privilégier la solution contractuelle pour les

131 Idem.
132 L’art 6§4-1° dispose :« En l’absence de mesures volontaires prises par les titulaires de droits, y compris les
accords entre titulaires de droits et d’autres parties concernées, les Etats membres prennent des mesures
appropriées pour assurer que les bénéficiaires des exceptions ou limitations prévues par le droit national
conformément à l’art 5, paragraphe 3, points a), c), d) et e) et à l’art 5, paragraphe 3, points a) b) ou e) puissent
bénéficier desdites exceptions ou limitations dans la mesure nécessaire pour en bénéficier lorsque le bénéficiaire
a un accès licite à l’œuvre protégée ou à l’objet protégé en question. »
133 V. Rapport POURTAUD, Document Sénat, n° 317, 28 avril 1999, p.18 : « Les reproductions volatiles sont
indispensables à la communication de l’œuvre : sans elles, il n’y a tout simplement pas de communication. »
46

copies « caches » et les copies de sites « miroir »134 (Section 1). Ces actes devraient
normalement bénéficier d’une dérogation moyennant une rémunération acquittée par les
fournisseurs d’accès (Section 2).
Section 1 : LES ACTES DE REPRODUCTIONS CONCERNES PAR
L’AUTORISATION
En pratique, rien n’empêche des accords spécifiques, afin de prendre en compte
l’économie éventuelle de certains actes de reproduction provisoires. D’ailleurs, le fondement
de l’autorisation de l’auteur provient de la notion même de reproduction. Les partisans de sa
qualification pourront dire que la notion est assez large pour inclure toutes les fixations, quelle
que soit leur volatilité135. En plus, ils pourront invoquer l’art 9§1 de la Convention de Berne
qui reconnaît à l’auteur le droit exclusif d’autoriser la reproduction « de quelque manière et
sous quelque forme que ce soit. »136
Toutefois, cette conception extensive ne peut pas s’appliquer aux copies purement
éphémères ou volatiles. Il conviendrait de tenir compte du préjudice économique de l’auteur
et soumettre uniquement les copies caches (§1) et les copies de « site miroir » (§2) à
l’autorisation des titulaires de droit.
§1- Les copies « caches » ou copies « proxy ».
Les copies « caches » sont celles qui permettent aux internautes d’avoir un accès direct
et plus rapide aux pages Web, en se dispensant de se connecter au site « mère ». Le but de ces

134 v. Rapport Paul, Document Assemblée Nationale, n° 1401, 17 février 1999, p.20 : les copies « caches » sont
des copies temporaires réalisées par les fournisseurs d’accès sur leurs serveurs, des pages les plus consultées afin
d’accélérer l’accès à ces informations. Elles évitent ainsi des connexions systématiques aux sites « mères ». les
copies «
miroir
» sont des reproductions complètes de sites destinés «
à faciliter la transmission
intercontinentale » de ces derniers. »
135 A. LUCAS, op. Cit., p.121.
136 Durant l’année 1996, lors des discussions de la conférence diplomatique de l’OMPI, la définition suivante
avait été avancée comme proposition de base : « Le droit exclusif d’autoriser la reproduction de leurs œuvres
accordé aux auteurs d’œuvres littéraires et artistiques à l’art 9.1 de la Convention de Berne comprend la
reproduction directe et indirect de ces œuvres , qu’elle soit permanente ou temporaire, de quelque manière ou
sous quelque forme que ce soit. »
47

copies étant essentiellement de faciliter un accès, elles ne sont pas indispensables dans le
cadre d’un procédé technique137. De plus, elles ne sont pas économiquement neutres.
Madame POURTAUD, dans son rapport au Sénat138, considère que le recours aux
caches et à fortiori aux sites « miroirs » permet aux utilisateurs d’accéder plus facilement,
plus rapidement, en plus grand nombre à l’œuvre mise à leur disposition. Les caches
déterminent donc les conditions de communication de l’œuvre et ont des conséquences sur sa
diffusion(…). Il paraît normal que ces conditions de diffusion fassent partie des éléments à
prendre en compte lors de la négociation du contrat d’exploitation d’une œuvre en réseau. On
pourra aussi en tenir compte lors du calcul de la rémunération de l’ exploitation de l’oeuvre,
ou pour fixer les conditions de protection de l’œuvre contre le piratage.
La dérogation au droit de reproduction pour les copies « caches » devrait être soumise
à l’accord préalable des détenteurs de droit, au vu des conséquences économiques inéquitables
que ces dernières engendrent. Si ces copies ont un intérêt particulier pour les fournisseurs
d’accès (B), elles suscitent par contre une crainte du côté des titulaires de droits quant à leur
rémunération (A).
A - L’impact économique des copies « caches » pour les titulaires de droits.
Les auteurs sont sceptiques quant à la prise en compte des copies « caches » comme
exception, parce que celles-ci empêchent le contrôle effectif du nombre de consultations de
l’œuvre. Le problème tient à ce que les transmissions à partir d’un « cache », qui ne supposent
pas une connexion directe au site d’origine, risquent de ne pas pouvoir être comptabilisées par
l’exploitant du site. Il s’agit du titulaire des droits sur les œuvres communiquées aux
utilisateurs139. C’est alors qu’il est souvent reproché aux caches d’empêcher la mise en place
des mécanismes techniques d’identification des œuvres140.
La réduction du nombre d’accès directs aux sites qui a pour conséquence directe
l’absence de décompte des consultations des œuvres pose un autre problème très préoccupant

137 L. BOCHURBERG et S. LAFORT, op. cit., p.18.
138 Rapport POURTAUD, op. cit , p.18.
139 J. PASSA, op. Cit. , p.1268.
48

qui est celui de la rémunération de l’auteur. Le Professeur Pierre SIRENELLI pense que « le
phénomène serait particulièrement inquiétant dans l’hypothèse d’une rémunération de
l’auteur fondée sur le nombre de consultations (« hits » et compteurs électroniques »)141.
L’impossibilité de contrôler et de comptabiliser les connexions peut entraîner un véritable
manque à gagner pour le cédant des droits d’auteur. Ce serait le cas notamment si ce dernier
est rémunéré par l’exploitant du site en proportion des recettes, donc du nombre des
connexions142. C’est pour cette raison que le Conseil d’Etat, dans son rapport du 2 juillet
1998, suggérait que les copies « caches » devraient bénéficient d’une exception, moyennant la
contrepartie d’une rémunération forfaitaire acquittée par les fournisseurs d’accès143.
Toutefois, le considérant 33 n’autorise l’extension de l’exception aux copies « caches » que
« …sous réserve que l’intermédiaire ne modifie pas l’information et n’entrave pas
l’utilisation licite de la technologie, largement reconnue et utilisée par l’industrie dans le but
d’obtenir des données sur l’utilisation de l’information. Une utilisation est réputée licite
lorsqu’elle est autorisée par le titulaire du droit ou n’est pas limitée par la loi. 144» Ceci étant,
si les copies « caches » empêchent le décompte des connexions, cela apparaît comme une
entrave à l’utilisation de la technologie et donc illicite. A cet égard, l’exception n’a pas de
raison de s’appliquer lorsque le nombre de consultations à partir des caches ne peut être
répertorié auprès du site principal.
La solution la mieux indiquée en cas d’exclusion de la dérogation au droit de
reproduction n’est autre que l’autorisation du titulaire du droit. Celle-ci a pour but de prendre
en compte, l’apport économique des copies « caches » en faveur des fournisseurs d’accès.
B - L’apport économique des copies « caches » en faveur des fournisseurs d’accès.

140 P. SIRINELLI, La directive Société de l’information : apport réel ou fictif au droit d’auteur ? Commerce
électronique et propriété intellectuelle, Colloque organisé par l’Institut de Recherche en Propriété Intellectuelle
Henri Desbois, Paris 7 novembre 2000, Librairie technique 2001, p.89.
141 Idem.
142 J. PASSA, op. cit., p.1268.
143 Internet et réseau x numériques, Rapport du Conseil d’Etat, la Documentation française, 2 juillet 1998, p.146-
147.
144 Il y a là un apport réel en comparaison avec l’art 13 de la directive sur le commerce électronique directement
inspirée du Millenium Act américain. Cet art dispose que « Les Etats membres veillent à ce que, en cas de
fourniture d’un service de la société de l’information consistant à transmettre, sur un réseau de communication
des informations fournies par un destinataire du service, le prestataire ne soit pas responsable au titre du stockage
automatique, intermédiaire et temporaire de cette information fait dans le seul but de rendre plus efficace la
transmission ultérieure de l’information à la demande d’autres destinataires du service.
49

Les copies « caches » ou copies « proxy », sont en général effectuées par le
fournisseur d’accès et autres intermédiaires techniques sans l’autorisation de l’auteur.
Pourtant, bien qu’elles permettent une connexion plus rapide, elles ne sont ni techniquement
volatiles, ni techniquement indispensables à la transmission de l’information sur le réseau. De
plus, elles ne sont pas économiquement neutres.
Le nombre de visites reçues par un site est le seul indicateur dont dispose un
fournisseur d’accès pour mesurer la popularité ou le dynamisme de ses abonnés. Or, le site
recopié intégralement par un serveur de proximité ne sera plus visité. Son site copié le sera à
sa place, comptabilisant également à sa place le succès qu’il aura rencontré auprès des
internautes145. Ce système tend, par une économie de liaison avec les pages les plus
consultées, à accélérer et faciliter les transmissions aux abonnées. Tout ceci visant à éviter la
saturation du réseau.
Les reproductions dans les « caches » semblent bien avoir une « signification
économique indépendante » . Elles consistent en une conservation de l’œuvre dans la
mémoire des serveurs des fournisseurs d’accès, qui autorise des communications ultérieures
sans connexion au site d’origine, influant donc nécessairement sur les conditions
d’exploitation des œuvres146. L’absence d’intérêt économique des reproductions dans les
« caches » étant une condition du bénéfice de l’exception obligatoire, les fournisseurs d’accès
devront solliciter l’autorisation du titulaire des droits, en vertu du considérant 33 de la
directive droit d’auteur qui dispose qu’ « une utilisation est réputée être licite lorsqu’elle est
autorisée par le titulaire du droit ou n’est pas limitée par la loi. » Les copies de sites
« miroirs » également ne peuvent être exemptées de l’autorisation des ayants droit.
§2 - Les copies de sites « miroirs ».
Les reproductions de type site « miroir » font partie des copies qui ne sont pas
économiquement neutres. Face à la multiplicité des copies temporaires ou accessoires, un
Rapport de l’Assemblée Nationale en date du 17 février 1999 préconisait la négociation

145 G. de BROGLIE, op. cit. , p.41.
146 J. PASSA, op. Cit. , p.1268.
50

contractuelle du régime des différentes copies147. Ainsi, il faudrait exclure du champ
d’application de l’art 5.1 les copies « site miroir » qui n’ont pas pour objet la transmission des
œuvres, mais la reproduction de tout un site afin de le transférer d’un continent à un autre par
exemple et pour laquelle le monopole d’autorisation doit s’appliquer148.
On peut assimiler les copies de sites « miroirs » aux copies « caches », dans la mesure
où elles constituent la catégorie des copies qui facilitent la transmission des données sur
internet. Toutefois, la différence entre les deux réside au niveau où, pour les sites miroirs, la
transmission est intercontinentale. En raison du fait qu’elles permettent une réelle diffusion
des œuvres, elles doivent êtres soumises au droit d’exploitation des auteurs et non au régime
des exceptions. On ne comprendrait pas pourquoi les exploitants réalisant des sites « miroirs »
seraient exemptés du paiement de droits au propriétaire du site WEB reproduit par de tels sites
« miroirs »149. Même si l’opérateur de réseau, c’est-à-dire celui qui réalise ces copies n’est pas
recherché comme contrefacteur, son initiative pourrait être prise en compte par l’auteur pour
le calcul de la rémunération due. En effet, si l’auteur d’un site ou son ayant droit qui ne veut
pas que ses œuvres soient transmises d’un continent à l’autre, celles-ci pourront être mises à
disposition seulement contre paiement. Il appartient alors aux auteurs, de décider selon
quelles modalités la transmission doit être autorisée et de déterminer la valeur économique à
rattacher à chaque transmission intercontinentale.
Il serai inexact d’affirmer que les copies de sites « miroirs » ou les copies « caches »
échappent au contrôle et à l’autorisation des titulaires de droit. Elle doit normalement être
sollicitée par les personnes dont les actes de reproduction provisoire ou accessoire peuvent
porter atteinte au droit patrimonial et moral de l’auteur.
Section 2 - LES PERSONNES CONCERNEES PAR L’AUTORISATION DES
TITULAIRES DE DROITS.

Les risques de contrefaçon induits par la diffusion numérique des contenus sont liés
aux singularités techniques des réseaux. La question essentielle concerne les copies réalisées

147 Selon le Rapport, cette négociation vise à permettre aux titulaires des droits et aux fournisseurs d’accès de
déterminer d’un commun accord les copies rangées dans la catégorie de celles qui sont indispensable et n’ont pas
d’impact économique, des autres qui seraient susceptibles de causer un préjudice aux titulaires des droits.
148 J. MYARD, op. Cit p.32.
51

par les fournisseurs d’accès en vue de faciliter les communications ultérieures des
informations aux utilisateurs. Un autre type de copie concerné est la reproduction provisoire
d’un contenu sur la mémoire vive et le disque dur de l’ordinateur de l’internaute.
Mais, selon le considérant 33 de la directive sur le droit d’auteur , les fournisseurs
d’accès ne peuvent bénéficier de l’exception obligatoire qu’à certaines conditions. S’ils sont
dans l’impossibilité de remplir ces diverses conditions, la solution adéquate est la sollicitation
de l’autorisation des titulaires de droits (§1). Cette solution serait également valable pour
l’utilisateur, dès l’instant où la copie provisoire effectuée par celui-ci peut revêtir un aspect
économique (§2).
§ 1 - Les fournisseurs d’accès.
En principe, le fournisseur d’accès est le professionnel qui permet la connexion au
réseau par l’intermédiaire de ses ordinateurs, y compris la mise en place des sites « miroirs »
et des relais appelés « proxy servers ». Les intermédiaires techniques traitent toujours les
requêtes des utilisateurs à partir des reproductions des sites les plus demandés contenus dans
leurs ordinateurs. Pour les ayants droit, chaque copie provisoire constitue une exploitation de
l’œuvre. Toutefois, l’exception au droit de reproduction provisoire permet aux fournisseurs
d’accès d’être exonérés de toute responsabilité à certaines conditions (A). Si celles-ci sont
respectées, l’auteur ne pourra plus exiger une négociation contractuelle pour une
reproduction temporaire (B).
A – Les conditions d’exonération de responsabilité des fournisseurs d’accès.
Si le fournisseur d’accès transmet de manière passive une œuvre sur le réseau, il ne
devrait ni demander l’autorisation de l’auteur, ni voir sa responsabilité engagée. Mais,
lorsqu’il réalise le stockage dit « caching », il n’est exonéré que « s’il ne modifie pas le
contenu, qu’il en respecte les conditions d’accès, les modes d’actualisation et les
informations y relatives et s’il agit promptement pour le retirer lorsqu’il a une connaissance
effective de son retrait (à la source ou lors de la transmission) ou encore lorsqu’un tribunal

149 C. NGUYEN DUC LONG, op. cit. ,p.272
52

ou une autorité administrative l’enjoint de le faire. 150» Cette disposition de l’article 13 de la
directive sur le Commerce électronique n’a pas été reprise par la directive sur le droit
d’auteur. L’article 5§1 subordonne l’exception obligatoire seulement à la condition que l’acte
de reproduction transitoire ou accessoire n’ait pas de «
signification économique
indépendante ». Par contre, le considérant 33 de la directive sur le droit d’auteur qui s’inspire
de l’article 13 ci-dessus, lui-même inspiré du Digital Millenium Copyright Act américain151
précise que l’exception ne joue sous réserve que « (…) l’intermédiaire ne modifie pas
l’information et n’entrave pas l’utilisation licite de la technologie largement reconnue et
utilisée par l’industrie, dans le but d’obtenir des données sur l’utilisation de l’information ».
Les fournisseurs de service en ligne ne seront à l’abri des poursuites que si les copies
d’œuvres sont faites de manière licite et sans modification. Cette règle laisse planer une
ambiguïté à propos du « caching ». Alors que sur le terrain de la responsabilité, la directive
sur le Commerce électronique prévoit une limitation de responsabilité des fournisseurs de
services pour le « caching » de contenu illicite, mais seulement à certaines conditions, l’article
5§1 et le considérant 33 disposent que ces actes sont licites en vertu de l’exception au droit
d’auteur152. Pourtant, en vertu d’un souci d’équilibre, l’opérateur technique a le devoir de
s’adapter aux standards techniques utilisés par les titulaires de droit d’auteur pour identifier ou
protéger leurs œuvres153.
A défaut d’avoir les conditions plus précises sur l’autorisation de l’auteur pour les
actes de reproduction effectués lors de la transmission des données, l’exemple à suivre pourra
être celui de la loi américaine. Pour cette dernière, le fournisseur d’accès est exonéré de
responsabilité pour les copies « caches », sous certaines conditions, notamment que :
- l’information soit transmise sans modification aux utilisateurs ultérieurs;
- le prestataire respecte les instructions du site émetteur concernant la mise à jour de
l’information, indiquée conformément aux standards de l’industrie ;

150 V. L. BENABOU, La directive droit d’auteur, droits voisins et société de l’information : valse à trois temps
avec l’acquis communautaire,
Ed du Juris-classeur, Communication – Commerce électronique, octobre 2001,
p.11.
151 Le Digital Millenium Act limite la responsabilité des fournisseurs techniques à des conditions bien précises.
Les limitations de responsabilité prévues se cumulent avec celles existantes en matière de droit d’auteur telle que
l’exception de « fair use ». En d’autres termes, elles s’appliquent lorsque le prestataire voit sa responsabilité
engagée en application des principes actuels du copyright.
152 C. DESPRINGRE, op. cit., p.140.
153 V. SEDALLIAN, op. cit. , p.2.
53

- le prestataire respecte les conditions d’accès à l’information (tel que le paiement
d’une redevance, la fourniture d’un mot de passe).
- Le prestataire n’interfère pas avec la technologie utilisée dans le but d’obtenir des
données sur l’utilisation de l’information (telle que les statistiques de consultation).
- Le prestataire agisse promptement pour retirer ou empêcher l’accès à l’information
contrefaisante à réception d’une notification, dès lors que l’information a été
retirée du site d’origine ou que le retrait de cette information a été ordonnée par un
juge154.
Dès lors que les conditions ci-dessus sont remplies par les fournisseurs d’accès, ils
peuvent bénéficier d’une dérogation. Ce qui suppose que ceux-ci ne pourront se voir réclamer
aucun dommage et intérêt ou toute autre sanction pécuniaire pour atteinte au droit d’auteur.
B - Les implications de l’exonération de responsabilité des fournisseurs d’accès.
Dans la pratique, les actes de transmission des données dans le but d’accélérer l’accès
des utilisateurs aux serveurs intermédiaires sont exclus de l’autorisation de l’auteur. Cette
exception n’est appliquée que si la copie provisoire est licite et économiquement neutre. Ceci
étant, l’ayant droit qui autorise l’installation d’une œuvre sur un site n’ignore pas selon le
fonctionnement d’Internet, que celle-ci sera reproduite accessoirement dans les ordinateurs
des intermédiaires155. Par conséquent, les intermédiaires et surtout les fournisseurs d’accès
seraient libres d’effectuer les actes de fixation volatiles lorsque la transmission elle même est
licite.
Concrètement, les titulaires de droit cherchent surtout à pouvoir localier et bloquer
une exploitation illicite par le biais des intermédiaires, plus facile à atteindre que les
contrefacteurs. De ce fait, admettre l’exception lorsque la transmission est autorisée par les
titulaires de droit ne prémunirait pas les opérateurs techniques156. La règle suivant laquelle
seules les personnes titulaires d’une autorisation d’accès à l’œuvre devraient bénéficier de
l’exception relative aux reproductions temporaires n’aurait pas de sens.

154 Idem
155 Rapport M. BUYDENS, Droits d’auteur et Internet, Rapport pour les services du Premier Ministre, Affaires
scientifiques, techniques et culturelles :Bruxelles décembre 1998, n°109.
156 S. DUSSOLIER, op. cit. , p.11.
54

De toute évidence, la reproduction provisoire est une technique qui est utilisée non pas
uniquement par les fournisseurs d’accès, mais aussi par les entreprises et autres institutions.
L’article 13 de la directive du 8 juin 2000 sur le commerce électronique, intitulé « forme de
stockage dit caching », prévoit pour les Etats membres, en cas de fourniture d’un service de la
société de l’information consistant à transmettre sur un réseau de communication, des
informations fournies par un destinataire du service, que le prestataire ne soit pas responsable
au titre du stockage automatique intermédiaire et temporaire de cette information fait dans le
seul but de rendre plus efficace la transmission ultérieure de l’information à la demande
d’autres destinataires du service. En outre, le stockage intermédiaire devrait être librement
opéré, sans l’autorisation des titulaires de droit. Cela se justifie par le fait que l’opération de
stockage des informations faite de manière passive par le fournisseur de service n’est qu’une
phase intermédiaire. Seules doivent être prises en compte pour la rémunération de l’auteur, les
consultations et les reproductions ultérieures par les internautes ou les utilisateurs
d’informations.
§2 – Les internautes ou utilisateurs d’informations.
Lors de l’accès à une information en ligne, il existe des copies qui se produisent à
certains niveaux des réseaux internet. La simple visualisation sur le poste de travail de
l’internaute nécessite déjà qu’une copie provisoire du contenu ait été effectuée : d’abord dans
la mémoire vive de son ordinateur, puis sur une partie de son disque dur dédié à la sauvegarde
transitoire des données reçus, que l’on appelle « cache »157. Si cette reproduction invisible ne
requiert aucune autorisation en vertu de l’exception pour copies techniques et copies à usage
privé ( B), elle est pourtant soumise à l’autorisation de l’auteur dans le cadre d’une activité
professionnelle (A).
A – Les cas de soumission des copies provisoires de l’internaute à l’autorisation.
A priori, on peut considérer que les copies techniques, réalisées de manière
transparente et invisible par l’internaute au moment de chaque connexion, entrent dans la
catégories des copies à usage privé. Dans ce cas, celles–ci échappent à la qualification d’actes
de contrefaçon. Ce raisonnement pourrait sans doute être admis pour des reproductions
temporaires effectuées par l’ordinateur.

157 B. WARUSFEL, La propriété intellectuelle et l’Internet, Dominos Flammarions, Paris 2001, P.77
55

Cependant, un problème se pose à propos de copies réalisées sur des serveurs
« proxy » par l’internaute dans le cadre d’une activité de service professionnel. Monsieur
Bertrand WARUSFEL pense que : « lorsque ce dernier circule sur le net pour des raisons
professionnelles, sa navigation ne s’inscrit plus dans un contexte d’usage privé. »158. Ceci
revient à considérer les copies techniques à usage professionnel comme contrefaisantes. Cette
solution très radicale peut engendrer des incohérences et des conflits juridiques. D’où
l’adoption de l’exception obligatoire pour copie provisoire.
On peut dire que les internautes qui circulent sur Internet, des entreprises ou autres
institutions, effectuent les copies techniques à usage collectif. Ces actes de reproductions au
profit d’une multitude de personnes revêt un caractère économique. Toute entreprise devrait
donc, malgré l’exception en faveur des reproductions intermédiaires, demander l’autorisation
des titulaires de droits, afin de compenser le manque à gagner des ayants droit.
Bien plus, le butinage159, qui consiste pour l’utilisateur à se déplacer sur le réseau de
site en site grâce à des liens hypertexte et à visualiser les œuvres rencontrées, n’est pas
exempt de l’autorisation de l’auteur. En effet, Monsieur André LUCAS déclare que « les
abeilles internautes ne peuvent pas butiner en total franchise du droit d’auteur. Car le
fournisseur de pollen, celui qui, en amont met les œuvres à leur disposition accompli bien un
acte d’exploitation subordonné au consentement du titulaire des droits »160. Il semble que les
fournisseurs de service sont indirectement responsables des consultations ultérieures des
œuvres qu’ils mettent à la disposition des utilisateurs. Dans ces conditions, même si ceux-ci
ne peuvent pas être poursuivis pour contrefaçon, les ayants droits pourront prendre son
initiative en compte pour le calcul de la rémunération due par les fournisseurs d’accès. Mais,
il existe des limites à l’indemnisation des titulaires de droits pour copies techniques de
l’internaute.
B – Les limites à l’autorisation ou à la rémunération des titulaires de droits.

158 Idem.
159 V. supra note …..
160 A. LUCAS, Droit d’auteur et numérique, Litec 1998, P.133
56

Si on permet aux utilisateurs d’accéder licitement à des œuvres sur Internet, il apparaît
indispensable de les autoriser à réaliser les reproductions nécessaires à la consultation. En
effet, le navigateur employé par l’utilisateur effectue une copie de chaque page Web
consultée, et la range dans le disque dur de l’ordinateur. Lorsque cette page est ultérieurement
sollicitée, c’est la copie du disque du disque qui apparaît beaucoup plus rapidement161. Ces
reproductions éphémères dans la mémoire vive de l’ordinateur sont considérées comme
difficiles, voire impossibles à contrôler. C’est ce qui justifie de leur neutralité au regard du
droit d’auteur.
L’exception obligatoire a pour effet de soustraire ces reproductions au mécanisme de
la compensation équitable, car l’acte d’exploitation des œuvres par les utilisateurs est
ultérieure. Il s’agit exclusivement de la réalisation d’une copie par l’usager qui demande
l’impression sur support papier d’une œuvre. De même quand l’internaute se connectant à un
site Web, demande le téléchargement de l’œuvre numérisée sur son micro-ordinateur. Dans
ces différents cas, lorsqu’il y a identité de personnes entre le copiste et l’usager de la copie
c’est-à-dire l’absence d’utilisation collective de la reproduction, l’exception pour copie privée
peut s’appliquer162. Pourtant, si l’exception est appliquée à la fois à la reproduction provisoire
et définitive des œuvres par les utilisateurs, il existe y a un risque de manque à gagner de la
part des ayants droits.
Pour pallier ce préjudice financier, le législateur communautaire pourrait suivre
l’exemple de la loi française en matière d’œuvres musicales et audiovisuelles. Cette dernière a
prévu un système particulier pour l’exception de copie privée. Depuis la loi du 3 juillet 1985,
pour ces catégories d’œuvres, l’exception aux droits patrimoniaux est devenue un droit à
rémunération avec l’instauration d’un système de licence obligatoire régie par les dispositions
du livre 3 du Code de la Propriété Intellectuelle163. Une rémunération est automatiquement
due par tous les fabricants et importateurs de supports d’enregistrements vierges, utilisables
aux fins de réalisation de reproduction à usage privé des oeuvres fixées sur des
phonogrammes ou des vidéogrammes.

161 L. BODSON, op. cit., .P.59
162 C. NGUYEN DUC LONG, op. cit., p.279.
163 Le livre troisième concerne les dispositions générales relatives au droit d’auteur, aux droits voisins et droits
des producteurs de bases de données.
57

Nous avons pu nous apercevoir que la mise en place des « sites miroirs » et des relais
dits « caches proxy » par les fournisseurs d’accès ont bien une signification économique qui
mérite une négociation contractuelle avec les titulaires de droits. Quant aux copies techniques
réalisées par l’internaute, ce n’est que dans le cas où celui-ci l’exerce dans un cadre
professionnel et non privé qu’il pourra solliciter l’autorisation des ayants droit. Ainsi, pour
que les intérêts soient équitables entre les auteurs et les exploitants quant à la reproduction
provisoire des œuvres, les Etats membres devrons prendre ces solutions en compte. De plus,
nous pensons que les exceptions facultatives contenues dans la directive nécessitent une
réadaptation à la réalité numérique.
58

Chapitre 2 :
L’ADAPTATION DES EXCEPTIONS A LA REALITE NUMERIQUE

Le système européen d’énumération limitative des exceptions n’est pas très adapté
pour les nouveaux modes d’exploitation des œuvres dans l’univers numérique. En effet,
l’évolution des pratiques sociales et de la technologie nécessite la mise en place d’un système
de droit d’auteur beaucoup plus souple. Ceci éviterait les interventions législatives fréquentes.
Ainsi, les juges pourront librement déterminer pour chaque usage d’une œuvre protégée, s’il
peut ou non être soustrait aux droits exclusifs du titulaire de droit164. Ce mécanisme
permettrait alors de créer les exceptions ou de les restreindre en fonction des intérêts de la
société et des intérêts privés de l’auteur.
Face à l’impossibilité des auteurs de contrôler de manière effective la copie privée, le
législateur avait reconnu à l’utilisateur une exception pour copie privée assortie du versement
d’une compensation équitable. Or les développements technologiques ont apporté un démenti
à cette impossibilité. Par le biais de mécanismes techniques, l’auteur pourrait interdire la
réalisation de copies digitales165. Le maintien de l’exception de copie privée numérique n’a
donc plus de fondement juridique.
Afin de trouver une solution plus adéquate au problème d’harmonisation des
exceptions dans l’environnement numérique, la directive pourra prendre en compte
l’évolution de la société et de la technique (Section 1). La copie privée actuellement autorisée
dans la majorité des Etats membres a acquis du fait des innovations techniques, une
dimension nouvelle. Celle-ci remettant en cause l’exception de copie privée numérique, il
convient d’envisager sa suppression (section 2).

164 S. BEGHE et L. COHEN – TANUGU, Droit d’auteur et copyright face aux technologies numériques :
Comparaisons transatlantiques
; Légipresse n° 178, janvier / février 2001, p.4.
165 M. BUYDENS et S. DUSSOLIER, Les exceptions au droit d’auteur dans l’environnement numérique :
évolutions dangereuses
, Communication – Commerce électronique, Ed. du juris-classeur, p.11.
59

Section 1 : LA PRISE EN COMPTE DE L’EVOLUTION DE LA SOCIETE ET DE LA
TECHNIQUE

Que ce soit dans la directive sur le droit d’auteur ou dans les systèmes de droit
d’auteur d’Europe continentale, les exceptions forment une liste précise d’actes qui échappent
au monopole de l’auteur. Certains auteurs proposent de distinguer trois catégories
d’exceptions, selon le fondement qui les sous-tend166. Elles se justifient soit par le souci de
garantir les libertés fondamentales ou les intérêts publics, soit par l’incapacité des auteurs de
contrôler certaines utilisations. Toutes ces justifications concernent directement la société de
l’information. d’où l’importance d’adapter les exceptions à l’évolution de celle-ci.
Nous verrons qu’afin de maintenir un équilibre entre les intérêts du public et ceux des
auteurs, il faut d’une part adopter un mécanisme d’extension des exceptions (§1) et d’autre
part favoriser l’admission des exceptions circonstanciées. (§2)
§ 1 - L’adoption d’un mécanisme d’extension des exceptions.
Selon Mesdames Mireille BUYDENS et Séverine DUSSOLIER, « les systèmes
d’exceptions au droit d’auteur sont tantôt ouverts, c’est-à-dire fondés sur un système de
clause générale susceptible de s’appliquer à de nombreuses situations, tantôt fermés, c’est-à-
dire fondés sur une liste exhaustive de circonstances particulières dans lesquelles les droits
de l’auteur s’effacent en tout ou en partie »167. Des deux systèmes, celui qui semble le mieux
apte à permettre l’extension ou la création des exceptions applicables à l’environnement
numérique est le système « ouvert ». Le meilleur exemple est le «fair use » du système anglo-
saxon (A) que nous allons essayer d’étudier. Mais la directive prévoit aussi un « triple test »
des exceptions qui ne manque pas d’intérêt (B.)

166 P. SIRINELLI, « Exceptions et limites aux droits d’auteur et droits voisins », Atelier sur la mise en œuvre du
Traité OMPI sur le droit d’auteur, Genève 6-7 décembre 1999, disponible sur le site de l’OMPI ; A. LUCAS, op.
cit., p.175. J. SPOOR, « General aspects of exceptions and limitations : general report », in les frontières du
droit d’auteur : ses limites et exceptions : journée d’étude de l’ALAI, 14-17 septembre 1998, Cambridge, Ed
Australian Copyright Council, 1999.
167 M. BUYDENS et S. DUSSOLIER, op. Cit., p.12.
60


A - Le système anglo-saxon du « fair use ».
Sans toutefois vouloir transformer le droit d’auteur en copyright, nous pouvons quand
même nous y référer pour l’adoption des exceptions qui touchent au numérique. Dans le
système du « fair use », certains usages mettant en cause un droit d’auteur peuvent être
considérés par le juge comme relevant de cette exception générale. Cette dernière tient
compte des critères essentiels qui sont : le but et le caractère de l’usage168, la nature de
l’œuvre protégée, la quantité et le caractère substantiel de la portion de l’œuvre utilisée ainsi
que l’effet de l’usage sur le marché potentiel ou l’effet de cet usage sur la valeur de l’œuvre
protégée169.
Tout comme les Etats européens, les Etats-Unis s’étaient trouvés confronter aux
revendications des ayants droit face au développement de la copie numérique qui est venu
remettre en question l’équilibre de l’exception de copie privée. Contrairement à la multiplicité
des exceptions adoptées par la directive européenne, les Américains se sont contentés de la
souplesse du « fair use »170. Dès lors que l’intervention du législateur est nécessitée, seuls les
correctifs sont apportés à la législation existante. En dehors des exceptions relatives à la
responsabilité des intermédiaires techniques, les aménagements apportés par le DMCA
(Digital Millenium Copyright Act) ne sont pas directement liés à l’exploitation des œuvres
dans le cadre des nouvelles technologies de la communication171. Le développement de la
copie privée numérique des enregistrements sonores avait amené la législation américaine de
1992, non pas à créer une exception, mais à instituer un double correctif en faveur des
titulaires de droit. Ces aménagements consistaient, d’une part en la perception d’une
rémunération sur les appareils et supports d’enregistrement audionumérique, d’autre part
l’obligation pour les appareils d’enregistrement audionumériques d’intégrer un système de
contrôle technique empêchant la réalisation de copies multiples de l’œuvre à partir de la
première copie effectuée par l’utilisateur.

168Ce critère prend en compte le fait que l’usage soit de nature commerciale ou à des fins d’enseignement.
169 Article 107 du Copyright Act de 1976.
170 S. BEGHE et L. COHEN – TANUGI, op. cit., p.5.
61

B – Le test des « trois étapes » de la directive.
La directive droit d’auteur de l’Union européenne a apporté une limitation dans
l’application des exceptions au droit d’auteur. L’article 5-5 impose en effet aux Etats de
limiter les exceptions tant au droit d’auteur qu’aux droits voisins à « certains cas spéciaux qui
ne portent pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre, ni ne causent un préjudice
injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur ». Ces trois conditions forment un fil conducteur
dans l’insertion des exceptions au droit d’auteur. La première condition interdit les exceptions
formulées sous forme de clause générale. Les deux autres doivent être appréciées dans le
contexte de chaque exception, ce qui favorise l’extension de son champ dans le monde
numérique.
Monsieur Pierre SIRINELLI pense que, si l’exception en cause permet à des tiers
d’exploiter l’œuvre de manière concurrente aux ayants droit ou si l’exercice d’une exception
affecte le marché potentiel pour l’œuvre, elle ne pourra être admise172. De toutes les façons, la
déclaration commune accompagnant le Traité OMPI précise que « les dispositions de l’article
10 (test des trois étapes) permettent aux parties contractantes de maintenir et d’étendre de
manière adéquate dans l’environnement du numérique les limitations et exceptions prévues
dans leurs législations nationales qui ont été considérées comme acceptables en vertu de la
Convention de Berne. De même, ces dispositions doivent être interprétées comme permettant
aux parties contractantes de concevoir de nouvelles exceptions et limitations qui soient
appropriées dans l’environnement numérique ». Cette déclaration confirme l’idée selon
laquelle le « test des trois étapes » ne peut avoir pour effet d’imposer aux Etats une réduction
des exceptions dans l’univers numérique. Ainsi, les Etats peuvent plutôt concevoir de
nouvelles exceptions qui seraient adéquates dans la société de l’information173. C’est en
quelque sorte une manière d’admettre les exceptions suivant les circonstances qui se
présentent..

171Ces aménagements visent à restreindre, à travers les dispositions intitulées « Fairness in Music Licensing du
Sono Bono Copyright Term Extension Act », l’exercice du droit d’exécution publique pour les œuvres musicales
diffusées par certains établissements commerciaux de petite taille.
172 P. SIRINELLI, op. Cit., p.46.
62

§ 2 – Admission des exceptions circonstanciées.
Lors de l’exploitation des œuvres en ligne, de nombreuses situations peuvent se
présenter. Par conséquent, la longue liste d’exceptions établie par la directive peut ne pas
correspondre exactement à certains usages. Ceci est lié à l’évolution de la société et de la
technologie qui risquent de créer un déséquilibre entre les intérêts légitimes de l’auteur et
ceux de la société.
La directive droit d’auteur prévoit dans son considérant 32 que « la présente directive
contient une liste exhaustive… ». Toutefois, ce même considérant évoque la réévaluation
ultérieure de la situation. On peut donc espérer qu’un mécanisme sera trouvé pour prévenir
une adaptation régulière des exceptions en fonction des résultats sociétaux et économiques de
leur mise en pratique. Mais en attendant, certaines juridictions européennes n’ont pas hésité à
créer des exceptions quant le besoin s’est fait sentir (A). Il est également intéressant de voir
les juges français essayer de suivre le même chemin (B).
A – La position de quelques juridictions européennes sur l’extension des exceptions.
Au vu de l’évolution des pratiques sociales, on se rend compte que les exceptions qui
figurent dans la directive ne sauraient être une addition des législations des pays membres.
Cette conception des exceptions comme expression de valeurs est incompatible avec la
balance des intérêts dans le monde numérique. C’est ainsi que, la modification de l’équilibre
entre les droits et les exceptions a amené tout naturellement les juridictions européennes à
créer des exceptions nouvelles. Aux Pays-bas, la Cour suprême a considéré qu’il résultait de
la logique même du droit d’auteur que la liste d’exceptions figurant dans la loi sur le droit
d’auteur ne pouvait être considérée comme exhaustive174. Selon cette décision, les exceptions
insérées dans la loi sont le fruit d’un arbitrage entre, d’une part les intérêts légitimes de
l’auteur et d’autre part les intérêts légitimes des tiers et de la société. Il s’en déduit que,

173 A. FRANCON, « La conférence diplomatique sur certaines questions de droit d’auteur et de droits voisins » ;
RIDA avril 1997, p.37-39.
174 Dior / Evora, Hoge Raad, 20 octobre 1995, N. J. , 1996, n° 682. Ce jugement a cependant été infirmé en
appel.
63

« lorsque l’intérêt général ou l’intérêt supérieur de tiers ne peut être sauvegardé qu’en
limitant le droit d’auteur, il convient d’admettre que les droits de l’auteur doivent céder le
pas devant cet intérêt général ou cet intérêt supérieur des tiers de voir l’œuvre reproduite /
communiquée »175.
D’autres décisions européennes176, à l’instar de l’Allemagne ont déjà procédé à une
mise en balance similaire entre droit d’auteur et libertés fondamentales afin de reconnaître à
l’utilisateur d’une œuvre une exception qui n’était pas prévue dans la loi sur le droit d’auteur.
Toujours à propos de la reconnaissance des libertés fondamentales, les juges français ont
également essayé de créer une exception.
B - La position des juridictions françaises.
Bien que la France soit un Etat d’une conception stricte du droit d’auteur, les juges ont
crée des exceptions177 en vue de satisfaire un besoin d’équilibre entre auteurs et société de
l’information. Dans une décision du 23 février 1999178, le Tribunal de grande instance de
Paris a reconnu à l’utilisateur de l’œuvre une exception non prévue dans la loi, sur la base du
droit du public à l’information reconnu par l’article 10 de la Convention européenne des
droits de l’homme. En l’espèce, la télévision française avait réalisé un reportage sur une
exposition des œuvres du peintre UTRILLO, sans requérir l’autorisation de ce dernier.
Néanmoins, le juge a estimé qu’en vertu du droit du public à l’information, « un
reportage représentant une œuvre d’un artiste uniquement diffusé dans un journal télévisé de
courte durée ne portera pas atteinte aux droits de propriété intellectuelle d’autrui, puisqu’il
sera justifié par le droit du téléspectateur à être informé rapidement et de manière appropriée
d’un événement culturel constituant une actualité immédiate en relation avec l’œuvre ou son
auteur, qu’il ne concurrencera pas l’exploitation normale de l’œuvre ». Cette décision
souligne la rigidité de la liste de l’article L122-5 du Code de la propriété intellectuelle qui
interdit toute évolution des exceptions et par conséquent toute adaptation aux pratiques
sociales et économiques. La jurisprudence ci-dessus imprègne le droit d’auteur français du

175 M. BUYDENS et S. DUSSOLIER , op. Cit., p. 11-12.
176 Landgerich Berlin, Pour une analyse fouillée des décisions européennes concernant le droit d’auteur et la
liberté d’expression, 26 mai 1997, p. 108 ; P. B. Hugenholtz, Copyright and freedom of expression in Europe, to
be published in Rochelle cooper Dreyfus, Innovation ppolicy in an information age, Oxford University Press
2000.
177 Cas de l’exception qui concerne les œuvres situées sur les lieux publics, représentées ou reproduites de façon
accessoire indépendamment du lieu, les œuvres qui s’imbriquent dans les éléments du domaine public…
64

concept anglo-saxon de « fair use » qui permet l’utilisation libre de l’œuvre protégée dès lors
qu’elle respecte le critère d’usage raisonnable179.
Cependant, le jugement ci-dessus avait été infirmé par la Cour d’appel. Pour cette
dernière, certes l’article 10-1 consacre la liberté d’expression qui comprend la liberté de
recevoir des informations. Mais, il n’en demeure pas moins que cette liberté ne saurait ne
saurait être absolue, suivant l’article 10-2 de la Convention européenne des droits de
l’homme. Lorsque le droit de l’information du public est utilisé par un commerçant, il lui
appartient d’assumer le coût de son activité en respectant les droits légitimes d’autrui
consacrés par la loi180.
Malgré l’infirmation de la décision du Tribunal de grande instance de Paris, celle-ci
reste quant même un bel exemple à suivre dans le domaine du numérique, où l’exploitation
des œuvres est de plus en plus croissante et variée.
Conclusion de la section…
Section 2 : LA SUPPRESSION DE L’EXCEPTION DE COPIE PRIVEE
NUMERIQUE.

La directive sur le droit d’auteur autorise les utilisateurs d’œuvres de l’esprit à
effectuer la reproduction pour un usage strictement privé. L’avènement des technologies
numériques, tout en offrant de nouvelles perspectives de reproduction des œuvres, a rendu
l’exercice du droit d’auteur plus difficile. Ceci est dû à la grande volatilité des données
transmises par l’intermédiaire des réseaux informatiques et la facilité avec laquelle les
technologies numériques permettent de réalises et de diffuser les copies d’œuvres
protégées181. Pour ce fait, l’exception de copie privée a été supprimée dans la directive du 14
mai 1991182 sur la protection juridique des programmes d’ordinateur et dans celle du 11 mars
1996183 sur la protection des bases de données, pour les bases de données numériques. Dans le

178 Dalloz 1999, 581, note KAMINA, RIDA avril 2000, p.374.
179 M. BAUDEL, La législation des Etats-Unis sur le droit d’auteur, Bruyland, 1990, p.204.
180 A. KEREVER, « L’informateur doit assumer le coût de la confection de son message en achetant ou en louant
les biens ou services nécessaires », RIDA, 2000, p.386.
181 S. BEGHE et L. COHEN – TANUGI, op. cit, p.6.
182 v. supra, note…….
183 V. supra, note……
65

même sens, face à la quasi-impossibilité de contrôler les copies sur le réseau et de distinguer
entre usage privé et usage public, le Japon a décidé dans un souci de protection des intérêts
des auteurs, de supprimer la notion de copie privée dans l’univers numérique184. En revanche,
la directive a évité de se prononcer sur la question. Elle a permis aux Etats membres de
maintenir ou d’introduire l’exception pour la copie privée numérique.
Mais d’un autre côté, la directive admet que les titulaires de droits puissent contrôler la
copie privée numérique, voire la prévenir à travers les mesures techniques anti-contrefaçon185.
On se demande comment peuvent être maintenus à la fois l’exception de copie privée et les
mesures techniques de prévention. Logiquement, ou bien la copie privée est autorisée et en ce
cas, c’est un droit de l’internaute de l’effectuer sans immixtion dans sa vie privée, ou bien on
accorde aux titulaires un droit de contrôle, mais on s’éloigne de l’essence même de la copie
privée, basée sur la non immixtion compensée par une indemnité186.
Le développement de mesures techniques permet l’identification des œuvres circulant
sur le réseau et le contrôle de l’utilisation qui en est faite. Il semblerait qu’actuellement, ces
mesures soient le seul moyen de garantir aux titulaires de droits l’exercice de leurs
prérogatives. On pourrait donc appliquer les mécanismes techniques (§1) qui permettent de
contrôler la reproduction des œuvres sur le réseau numérique (§2).
§ 1 - L’application des mesures techniques de protection.
L’idée des mesures techniques est de répondre aux menaces engendrées par les
reproductions effectuées sur le réseau numérique. Deux séries d’arguments peuvent être
avancés en vue de soutenir ces mesures. D’une part, l’environnement numérique se prêterait à
la négociation contractuelle du fait du rapport direct se créant entre auteurs et utilisateurs.
D’autre part, la possibilité pour l’auteur de contrôler la circulation et l’utilisation de ses
œuvres sur le réseau, lui permettant de faire respecter sa volonté contractuelle. Les titulaires
de droit peuvent alors interdire la copie ou l’accès à l’œuvre protégée. Bien plus, ils ont la
possibilité de limiter le nombre ou la qualité des reproductions à travers les mécanismes
techniques de protection (A) dont la directive a pris le soin de délimiter l’objet (B).

184 J. MYARD, op.cit, p.35.
185 v. les considérants 39 sur les mesures techniques préventives et surtout 52.
66

A. Les différents mécanismes techniques de protection.
Les mécanismes techniques servent à protéger la transmission et la reproduction des
œuvres sur le réseau numérique. Ces technologies susceptibles d’être utilisées par les auteurs
et autres titulaires de droits sont extrêmement diverses. Certaines ont été conçues
spécialement pour répondre à la menace que le numérique apportait au droit d’auteur, d’autres
ont été développées pour protéger tout type de contenu numérique, soumis au droit d’auteur
ou non.
Il est difficile de dresser une liste précise des mesures technologiques existantes, de
même « qu’il est impossible de prédire l’avenir de ces technologies dans le domaine de la
protection des œuvres soumises au droit d’auteur »187. Sur la base de ces techniques se trouve
un large éventail de modèles de protection ou de gestion des droits d’auteur. Il s’agit surtout
des mécanismes qui interdisent ou limitent la possibilité de copie, des systèmes de contrôle de
l’accès aux œuvres. De plus, on a la certification et la marquage des œuvres en vue de leur
gestion en ligne, le processus d’authentification des œuvres par l’appareil de réception ou de
lecture, la sécurisation de la transmission et la conclusion électronique de licences
d’utilisation188. Les deux techniques sur lesquelles reposent les procédés de protection sont
principalement la cryptographie et la stéganographie.
La cryptographie ou science des codes secrets, est un procédé mathématique qui
permet de chiffrer une communication qui ne devient intelligible qu’après déchiffrement du
message grâce à une clé appropriée et secrète189. Ceci suppose que le contenu numérique est
infalsifiable et réservé uniquement aux personnes qui possèdent un élément numérique leurs
permettant d’accéder à ce qui a été chiffré.
La stégranographie ou science de ce qui est invisible, est l’art de communiquer de
manière à masquer l’existence même de la communication. Dans l’environnement digital, il
s’agit d’insérer en filigrane de l’œuvre, des données numériques qui deviennent indissociables

186 P. Y. GAUTIER, op. Cit., p12.
187 D. GERVAIS, Gestion électronique des droits et systèmes d’identification numériques, Comité Consultatif de
l’OMPI sur la gestion du droit d’auteur et des droits connexes dans le cadre des réseaux mondiaux
d’information, Première session : Genève, 14 et 15 décembre 1998.

188 M. BUYDENS et S. DUSSOLIER , op. Cit., p.14.
189 Idem.
67

du contenu et généralement invisibles190. Cette technique consiste aussi à introduire dans la
structure du code informatique du document des éléments d’information, de manière à rendre
leur extraction impossible pour les tiers non avertis. Un autre système de protection des
œuvres est le marquage électronique des contenus numériques. L’objectif de celui-ci n’est pas
de masquer le contenu d’une information, mais plutôt de l’accompagner par un élément
permettant d’identifier de manière fiable certaines de ses propriétés191. Celles-ci peuvent être
liées à l’origine de l’information, aux conditions de sa diffusion ou de son utilisation.
Après l’analyse de toutes ces techniques de protection, il nous semble qu’elles sont
bien aptes à offrir aux ayants droits une possibilité de contrôler leurs œuvres numérisées. Mais
il importe également de savoir exactement l’objet de protection prévu par la directive.
B - L’objet de protection prévu par la directive.
La directive prévoit une protection juridique contre le contournement des mesures
techniques efficaces mises en place par le titulaire des droits d’auteurs ou voisins (article 6-1)
et contre le recours à des dispositifs et des services prévus à cet effet (6-2). Ces mécanismes
sont définis à l’article 6-3 comme « toute technologie, dispositif ou composant qui dans le
cadre normal de son fonctionnement est destiné à empêcher ou à limiter les actes non
autorisés par le titulaire d’un droit d’auteur ou d’un droit voisin… ». Ainsi, sont visés, d’une
part les mesures techniques qui empêchent l’accomplissement d’actes qui relèvent du
monopole légal de l’auteur, à l’instar des systèmes anti-copie, d’autre part les dispositifs qui
s’opposent à des utilisations non souhaitées par les titulaires de droit. Le traité OMPI ne visait
que les dispositifs techniques qui empêchent ou limitent l’accomplissement d’actes soumis au
monopole exclusif de l’auteur, soit le droit de reproduction et de communication, soit la droit
moral192. Par contre, le texte européen utilise une notion plus large quant il parle d’actes non
autorisés par l’auteur. Ceux-ci englobent tous les actes effectués par l’utilisateur allant de
l’accès à l’œuvre, à tous les actes ultérieurs d’exploitation. Dans ce cas, il suffirait seulement

190 S. DUSSOLIER, Le droit d’auteur et son empreinte digital, Revue Ubiquité, n° 2, mai 1999, p.31 – 47.
191 B. WARUSFEL, La Propriété Intellectuelle et l’Internet, Dominos Flammarion, Paris 2001.
192 M. BUYDENS et S. DUSSOLIER, op. cit., p.14.
68

que l’auteur interdise contractuellement une utilisation pour que la mesure technique qui
supporte cette interdiction soit protégée par l’article 6 de la directive193.
La directive conditionne la protection de chaque mesure technique par rapport à son
efficacité. Ce critère est issu de l’article 11 du traité OMPI sur le droit d’auteur, dont le
considérant 47 précise que le dispositif doit atteindre son but. Le considérant 48 quant à lui
ajoute que les mesures techniques « permettent efficacement de limiter… ». Pour Monsieur
LUCAS, il s’agit de fournir ce que la technique a de meilleur194. Il est d’ailleurs précisé à
l’article 6-3, en accord avec les traités OMPI, que seules seront protégés les dispositifs
efficaces. En effet, « les mesures techniques sont réputées efficaces lorsque l’utilisation d’une
œuvre protégé ou celle d’un objet protégé, est contrôlée par les titulaires du droit grâce à
l’application d’un accès ou d’un procédé de protection, tel que le cryptage, le brouillage ou
toute autre transformation de l’œuvre ou de l’objet protégé ou d’un mécanisme de contrôle de
copie qui atteint cet objectif de protection. » Sont donc visées par la protection, les
technologies d’accès et les systèmes qui protègent strictement les droits d’auteur. Le critère de
l’efficacité est l’application d’un code d’accès ou d’un procédé fiable de protection. Mais les
mesures techniques doivent être appliquées à l’œuvre ou à l’objet protégé avec l’accord des
titulaires de droits, qu’ils soient auteurs, artistes-interprètes, producteurs ou exploitants.
Monsieur Antoine LATREILLE interprète l’efficacité de la façon suivante : «si la
mesure a été contournée, c’est qu’elle n’est pas vraiment efficace. Par une appréciation trop
sévère, les ayants droit sont pénalisés puisque la protection juridique sera refusée à la
mesure technique légère. Les utilisateurs pourraient donc toujours échapper aux sanctions.
Au contraire, une définition trop accueillante pourrait être dangereuse pour les utilisateurs,
puisque leur responsabilité serait engagée quelle que soit la qualité de la mesure »195. Pour
éviter toutes ces difficultés, la directive établit une présomption d’efficacité. La personne
soupçonnée injustement d’atteinte aux mesures techniques aura la possibilité de contester
l’efficacité du procédé technique de manière à échapper à toute sanction. Cependant, s’il
arrive que les systèmes de contrôle fonctionnent normalement, l’utilisateur ne pourrait pas
être entièrement exonéré.

193 S. DUSSOLIER et A. STROWEL, La protection légales des systèmes techniques : analyse de la directive
2001 / 29 sur le droit d’auteur dans une perspective comparative, Propriété Intellectuelle, IRPI octobre 2001 / n°
1, ISSN – Paris.
194 A. LUCAS, Droit d’auteur et numérique, Litec, Paris 1999, p.274.
69

§ 2 - Le contrôle technique des reproductions numériques.
La directive a prévu des règles relatives aux techniques d’identification qui ont pour
objet de donner aux titulaires une meilleure maîtrise de leur monopole. Ces techniques visent
à faciliter l’exploitation dans l’environnement numérique. De même, elles permettent aux
titulaires de droits de limiter le nombre de reproduction. L’article 7 quant à lui organise une
protection juridique contre la suppression ou la modification de toute information relative au
régime des droits. Il s’agit de « toute information fournie par les titulaires de droits qui
permet d’identifier l’œuvre ou autre objet protégé ». Afin de mieux maîtriser le contrôle de
leurs œuvres sur le réseau numérique, les ayants droit pourront appliquer à la fois les mesures
techniques d’identification des œuvres (A) et les mesures techniques de gestion des droits (B).
A - Les mesures techniques d’identification des œuvres.
Ces mécanismes d’identification dites de marquage ou de tatouage numérique
consistent à sceller dans l’œuvre ou la prestation en format numérique, un fichier
d’information (sur le régime des droits)196. Ce fichier permet l’identification de l’œuvre ou la
prestation, les ayants droits, voire encore des conditions et modalités d’utilisation (article 7-2).
Il peut également accorder aux titulaires de droits la possibilité, de suivre les œuvres ou
prestations sur les réseaux au moyen de logiciels appropriés, de contrôler les exploitations et
ainsi de déceler les utilisations illicites197. Ces mesures d’identification, tout comme les
mesures de protection doivent être juridiquement protégées contre les actes de suppression ou
de modification du fichier d’information.
L’article 7-1 de la directive198 impose aux Etats d’organiser « une protection juridique
appropriée contre toute personne qui, sciemment et sans autorisation, supprime ou modifie
toute information relative au régime des droits se présentant sous forme électronique » (a) ou
distribue, importe aux fins de distribution, communique au public des œuvres ou prestations
« dont les informations sur le régime des droits se présentant sous forme électronique ont été
supprimées ou modifiées sans autorisation » (b). Il est à noter que dans les deux cas, le

195 A. LATREILLE, La protection des dispositifs techniques : entre suspicion et sacralisation, Propriété
Intellectuelle, IRPI, janvier 2002 / n° 2 , ISSN Paris.
196 J. PASSA, op. cit., p.1270.
197 Idem.
198 Cet article est une reprise des articles 12 et 19 des Traités OMPI respectivement sur le droit d’auteur et les
droits voisins.
70

présumé coupable doit savoir ou avoir toute raison de savoir que par cet acte, « il entraîne,
permet, facilite ou dissimule une atteinte » à un droit d’auteur ou voisin. Ce qui suppose alors
que l’intention est requise pour la condamnation. Les Traités OMPI indiquent que seules des
sanctions civiles peuvent être prononcées lorsque la personne poursuivie ne savait pas, mais
avait seulement des raisons valables de penser que son acte entraînait ou facilitait une atteinte
à un droit exclusif. Il y a donc là, tous les moyens nécessaires pour la bonne gestion des droits
d’auteurs et voisins.
B - Les mesures techniques de gestion des droits.
Le fichier d’information déjà évoqué supra peut prendre la forme d’un numéro ou d’un
code, afin de permettre au public de savoir comment et auprès de qui ils peuvent obtenir une
autorisation d’exploitation. C’est un élément déterminant pour la gestion des droits sur lequel
les sociétés de gestion collective pourront s’appuyer dans l’avenir199. Il est possible de prévoir
que certains contenus numériques ne puissent pas être reproduits. Sur les marchés de cassettes
ou des DVD, les producteurs de lecteurs ont intégré des logiciels de restriction de copie.
Ceux-ci visent à détecter le marquage d’une œuvre et à restreindre automatiquement la
reproduction au-delà d’un certain nombre de copies, ou encore de dégrader progressivement
la qualité technique des copies successives200.
Si on prend le cas de diffusion en réseau sur abonnement, pour éviter que les tiers non
abonnés puissent accéder aux contenues diffusés, le fournisseur de service peut chiffrer sa
diffusion et communiquer la clé de déchiffrement uniquement à ses seuls abonnés201. Une
autre technique de gestion efficace des contenus numériques très appréciée par Monsieur
Bertrand WARUSFEF, est l’authentification des utilisateurs. Ce mécanisme impose à ceux-ci,
pour accéder à certains contenus, la production d’un certificat électronique qui établit leur
identité et leurs coordonnées bancaires. Grâce à toutes ces informations, il est techniquement
possible de concevoir des systèmes très efficaces de surveillance des œuvres sur les réseaux
numériques. Les détenteurs de droits seront alors en mesure de connaître l’identité
électronique de la localisation de tous ceux qui consultent ou reproduisent leurs contenus. Ce
qui permettrait d’organiser un système de paiement à l’acte en débitant automatiquement le

199 J. PASSA, op. cit. p.84.
200 B. WARUSFEL, op. cit, p.84.
201 Idem.
71

compte bancaire de l’internaute ou son porte-monnaie électronique202. Ces mesures
techniques rendent possible, la fixation contractuelle d’une compensation équitable.
L’évolution des techniques va permettre de revenir à une relation directe entre l’auteur
et l’utilisateur. Une telle liberté était jusqu’alors inenvisageable du fait de l’impossibilité pour
l’auteur de faire respecter sa volonté. Aujourd’hui, les mesures techniques pourront permettre
à l’auteur d’imposer ses conditions et le montant de sa rémunération. Il est alors grand temps
d’oublier l’exception de copie privée numérique.

202 Ibid.
72

CONCLUSION
Nous avons pu nous apercevoir que la directive laisse apparaître les limites de ses
ambitions d’harmonisation en matière d’exceptions au droit d’auteur et aux droits voisins.
La longue liste limitative des exceptions traduit la difficulté de synthèse due à la
diversité des traditions juridiques des Etats membres. Ceux-ci ne pouvant prévoir des
dérogations qui ne seraient pas mentionnées dans la liste, il y aurait une insuffisance
d’adaptation des exceptions à l’évolution de la société et aux nouvelles technologies. De
même, la liberté de transposition liée au caractère facultatif des exceptions est la véritable
cause de l’échec d’une approche uniforme. Les conséquences économiques qui peuvent en
résulter sont redoutables, surtout quand les Etats ont également la latitude d’interpréter la
notion de « compensation équitable ».
Plus grave encore, la directive laisse dans l’ombre la question de la suppression de la
copie privée dans l’environnement numérique. Pourtant, les dispositifs techniques de
protection sont parfaitement aptes pour permettre le contrôle et la rémunération de l’auteur
sans atteinte à la vie privée de celui-ci. Dans ces conditions, l’objectif d’harmonisation est
loin d’être atteint.
Néanmoins, on peut se féliciter dans une certaine mesure de l’adoption d’une
exception obligatoire pour les copies techniques, qui pourra permettre aux opérateurs
techniques d'échapper à toute poursuite en contrefaçon pour reproduction provisoire. De
même, la directive a essayé d’encadrer l’ensemble des exceptions par le « test des trois
étapes » prévu à l’article 5-5. Ce principe général du droit d’auteur européen et international
interdit l’enrichissement injuste des utilisateurs d’œuvres au détriment des titulaires de droit.
D’un autre côté, le texte a beaucoup misé sur la protection des mesures techniques anti-
contrefaçon. Il s’agit en fait des mécanismes de prévention et d’identification.
Pour que l’harmonisation des exceptions soit plus poussée, le législateur ne devrait-il
pas réexaminer le système des exceptions qui est le garant de l’équilibre global du droit
d’auteur ?
73

BIBLIOGRAPHIE
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74

II – THESE
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III - ARTICLES DE DOCTRINE
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DESBOIS.
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- Assemblée plénière, 5 novembre 1993, JCP G 1994, II, 22201, note A.
FRANCON.
V - TEXTES.
- Traités OMPI sur le droit d’auteur, les interprétations et exécutions des
phonogrammes du 20 décembre 1996, JOCE 11avril 2000.
- Accord de Marrakech du 15 décembre 1993, instituant l’OMC sur les aspects des
droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce.
- Proposition de directive du parlement européen et du conseil, sur l’harmonisation
de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de
l’information.
- Directive CE, n° 2001 / 29 du Conseil du 22 mai 2001, JOCE L 167, 22 juin 2001
sur l’harmonisation de certains aspect du droit d’auteur et des droits voisins dans la
société de l’information.
- Directive 91 / 250 / CEE du Conseil du 14 mai 1991, JOCE L 122 du 17 mai 1991
sur la protection juridique des programmes d’ordinateur.
- Directive 92 / 100 / CEE du Conseil du 19 novembre 1992, JOCE L 346 du 27
novembre 1992.
- Directive 93 / 83 / CEE du Conseil du 27 septembre 1993, JOCE L 248 du 06
octobre 1993.
76

- Directive 93 / 98 / CEE du Conseil du 29 octobre 1993, JOCE L 290 du 24
novembre 1993.
- Directive 96 / 9 / CEE du Parlement européen et du Conseil, JOCE L77 du 27
mars 1996.
- Directive 2000 / 31 / CE du Parlement européen et du Conseil, JOCE L 178 du 17
juillet 2000.
VI - COMMUNIQUE DE PRESSE
- Assemblée plénière, 5 novembre 1993, JCP G 1994, II, 22201, note A.
FRANCON. Communiqué de presse du GESAC, 10 avril 2001, disponible sur le
site http://www.sacem.org/internet/gesac/.
Table des matières
PARTIE I - ......................................................................................................................... 2
Chapitre 2 -....................................................................................................................... 2
Les actes de reproduction provisoires concernés par l’autorisation .................................... 2
INTRODUCTION...................................................................................................................... 3
Partie 1...................................................................................................................................... 10
Chapitre 1 :............................................................................................................................ 10
L’EXCEPTION OBLIGATOIRE POUR LES ACTES DE REPRODUCTION
PROVISOIRE ....................................................................................................................... 10
SECTION 1 : LES NECESSITES DE L’EXCEPTION OBLIGATOIRE........................ 10
§1 : Les reproductions provisoires soumises à l’exception obligatoire. ....................... 11
A. Définition de l’exception obligatoire. .................................................................... 11
1. L’article 5 § 1 de la directive sur le droit d’auteur. ............................................. 11
2. L’adoption de l’exception obligatoire par les directives communautaire
antérieurs. ................................................................................................................ 13
B. Les différents aspects techniques de la reproduction provisoire............................ 14
1. Le « routing » ...................................................................................................... 14
2. Le « browsing » ou butinage ............................................................................... 15
3. Le « caching »...................................................................................................... 15
§2- Les justifications de la nécessité de l’exception obligatoire.................................... 16
A. La sauvegarde des intérêts des intermédiaires techniques. .................................... 17
1. Autorisation tacite de reproductions provisoires par le titulaire des droits. ........ 17
2. Nécessité de l’exception pour les opérateurs de télécommunication et les
fournisseurs d’accès................................................................................................. 18
B. La neutralité des actes de reproduction provisoire................................................. 18
1. La reproduction provisoire comme acte économiquement neutre....................... 18
2. L’absence de communication de l’œuvre au public. ........................................... 19
SECTION 2 : ..................................................................................................................... 20
L’INCERTITUDE DES CONTOURS DE L’EXCEPTION OBLIGATOIRE................. 20
§ 1 – L’incertitude quant au champ d’application de l’exception obligatoire. .............. 21
A - Les difficultés d’appréciation de l’exception. ..................................................... 21
77

1 - Manque de définition des reproductions dites provisoires................................ 22
2. Imprécision des critères de la copie technique. ................................................... 22
B - Les conséquences de l’imprécision du domaine de l’exception. ......................... 23
1 - Le problème d’interprétations divergentes de l’exception par les Etats membres.
................................................................................................................................. 24
2 - Risque d’atteinte au droit d’auteur. ................................................................... 24
§ 2 - L’incertitude quant à l’imprécision de certaines expressions. .............................. 25
A - Les principales expressions concernées............................................................... 26
1 - La notion d’ « utilisation licite »....................................................................... 26
2 - La notion de « signification économique indépendante »................................. 27
B - Le « test des trois étapes » ou « triple test ». ....................................................... 27
Chapitre 2 :............................................................................................................................ 30
LA MULTIPLICITE D’EXCEPTIONS FACULTATIVES AU DROIT DE
REPRODUCTION ET DE COMMUNICATION AU PUBLIC.......................................... 30
Section 1 : LA LISTE LIMITATIVE D’EXCEPTIONS FACULTATIVES. ........................ 30
§ 1 : Les exceptions propres au droit de reproduction. ................................................. 31
A - L’exception de copie privée................................................................................. 31
1. La notion de copie privée. ................................................................................... 32
2. La notion de compensation équitable. ................................................................. 33
B - Les autres exceptions spécifiques au droit de reproduction................................. 34
1. L’exception de reprographie................................................................................ 34
2. Les exceptions de reproduction effectuées par les bibliothèques, les
établissements d’enseignement, les musées et les archives..................................... 35
3. L’exception de reproduction éphémère au profit des organismes de
radiodiffusion........................................................................................................... 35
4. – L’exception de reproductions faites par les institutions sociales. .................... 36
§ 2 – Les exceptions communes au droit de reproduction et de communication au
public.............................................................................................................................. 36
A - Les exceptions à caractère public. ....................................................................... 37
1. La reproduction à des fins d’illustration, de citation, de presse et de recherche. 37
2. Les utilisations à des fins de sécurité publique et de procédure.......................... 38
3. L’utilisation de discours politiques ou officiels. ................................................. 38
4. L’utilisation d’œuvres architecturales ou de sculptures placées dans des lieux
publics...................................................................................................................... 38
5. L’utilisation d’œuvres pour les expositions publiques ou les ventes d’œuvres
artistiques................................................................................................................. 39
6. Les exceptions de caricature, parodie et pastiche................................................ 39
B - Les exceptions à caractère social. ........................................................................ 40
1. Les utilisations en faveur des handicapés............................................................ 40
2. Les utilisations au cours des cérémonies religieuses ou officielles..................... 40
C - Les utilisations dans les cas de moindre importance. .......................................... 41
SETION 2 :........................................................................................................................ 41
L’INCOMPATIBILITE DES EXCEPTIONS FACULTATIVES.................................... 41
AVEC L’HARMONISATION.......................................................................................... 41
§1 : L’excessive liberté laissée aux Etats membres. ..................................................... 42
A - La liberté de transposition des exceptions. .......................................................... 42
B - La liberté de compensation équitable. ................................................................. 43
§ 2 – Les conséquences du caractère facultatif des exceptions...................................... 44
A - L’absence d’exceptions uniformes dans les Etats membres................................ 44
B - La paralysie de l’harmonisation........................................................................... 45
78

Partie 2...................................................................................................................................... 46
Chapitre 1 :............................................................................................................................ 46
LA SOUMISSION DE CERTAINES REPRODUCTIONS PROVISOIRES A
L’AUTORISATION DES AUTEURS ................................................................................. 46
Section 1 : .......................................................................................................................... 47
LES ACTES DE REPRODUCTIONS CONCERNES PAR L’AUTORISATION................ 47
§1- Les copies « caches » ou copies « proxy ». ............................................................ 47
A - L’impact économique des copies « caches » pour les titulaires de droits. .......... 48
B - L’apport économique des copies « caches » en faveur des fournisseurs d’accès.49
§2 - Les copies de sites « miroirs ». .............................................................................. 50
Section 2 - LES PERSONNES CONCERNEES PAR L’AUTORISATION DES
TITULAIRES DE DROITS.
................................................................................................ 51
§ 1 - Les fournisseurs d’accès. ...................................................................................... 52
A – Les conditions d’exonération de responsabilité des fournisseurs d’accès. ......... 52
B - Les implications de l’exonération de responsabilité des fournisseurs d’accès. ... 54
§2 – Les internautes ou utilisateurs d’informations. ...................................................... 55
A – Les cas de soumission des copies provisoires de l’internaute à l’autorisation. ... 55
B – Les limites à l’autorisation ou à la rémunération des titulaires de droits............. 56
Chapitre 2 :............................................................................................................................ 59
L’ADAPTATION DES EXCEPTIONS A LA REALITE NUMERIQUE .......................... 59
Section 1 : .......................................................................................................................... 60
LA PRISE EN COMPTE DE L’EVOLUTION DE LA SOCIETE ET DE LA TECHNIQUE
........................................................................................................................................... 60
§ 1 - L’adoption d’un mécanisme d’extension des exceptions. .................................... 60
A - Le système anglo-saxon du « fair use »............................................................... 61
B – Le test des « trois étapes » de la directive. ........................................................... 62
§ 2 – Admission des exceptions circonstanciées............................................................ 63
A – La position de quelques juridictions européennes sur l’extension des exceptions.
..................................................................................................................................... 63
B - La position des juridictions françaises................................................................. 64
Section 2 : LA SUPPRESSION DE L’EXCEPTION DE COPIE PRIVEE NUMERIQUE.
........................................................................................................................................... 65
§ 1 - L’application des mesures techniques de protection. ........................................... 66
A. Les différents mécanismes techniques de protection............................................. 67
B - L’objet de protection prévu par la directive......................................................... 68
§ 2 - Le contrôle technique des reproductions numériques........................................... 70
A - Les mesures techniques d’identification des œuvres........................................... 70
B - Les mesures techniques de gestion des droits...................................................... 71
CONCLUSION ........................................................................................................................ 73
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................... 74
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